L’amour après: destination rupture

Scénario : Baptiste Sornin
Dessin : Marie Baudet
Éditeur : Rivages
Sortie : 12 avril 2023
Genre : Roman graphique

Et si parfois, l’amour s’articulait comme une promesse électorale ? D’abord, viennent les beaux discours, les projets d’avenir puis la désillusion. De l’avant, on ne saura rien. Ce qui intéresse Baptiste Sornin et Marie Baudet, c’est L’amour, après. La rupture. L’agonie des sentiments, en parallèle avec la défaite aux présidentielles américaines d’un bonhomme roux dont la suffisance nous paraît étrangement familière. Dix ans. Dix ans que, ensemble, Sophie et Louis, arpentent les rayons du supermarché, planifient leurs vacances, s’offrent des fleurs et se contredisent.

Dix ans, c’est long

L’amour après se compartimente. Comme si la fracture du couple s’étendait au récit. Ce n’est pas une longue fin tranquille. C’est une somme de petits instants qui ordonnent la chute, avec bien sûr des tristesses mais aussi des joies. Et surtout beaucoup de doutes. C’est une histoire de temps morts. De temps ratés. Un silence enveloppe le récit et l’étire. L’étiole. L’amour après paraît très lent, pour un album qui se lit si vite. La temporalité est manipulée. Volontairement transformée, pour donner des impressions de longueur, d’immobilisme. Par-ci par-là, on peut voir des éléments de case qui se répètent. Parfois même, les images sont entièrement similaires, ou ne se distinguent que par le mouvement d’une route.

Sophie et Louis sont les acteurs d’un drame qui leur est complètement dédié. Et pourtant, ce sont deux anonymes qui nous interprètent une fable universelle. Et c’est peut-être ce qui pousse Marie Baudet à dessiner ses personnages sans visage. Quelques ombres pour le nez et une gestuelle qui parle d’elle-même suffisent aux lecteurs pour traduire les émotions. L’absence de regard rajoute une tension évidente au récit. Récit qui baigne déjà dans le malaise. Mais, appuyé par des couleurs pastel, L’amour après est aussi imbibé de douceur. Marie Baudet travaille un graphisme texturé – qui laisse beaucoup de place aux blancs comme des silences dans l’image – et pour lequel elle s’était, à juste titre, déjà fait remarquer à Angoulême.