La Vénus à la fourrure : une interprétation époustouflante

De David Ivès. Mise en scène de Alain Leempoel. Avec Fabrizio Rongione et Erika Sainte. Du 20 mars au 27 avril 2019 au Théâtre Le Public.

La Vénus à la fourrure est au départ un roman érotique allemand écrit par Leopold von Sacher-Masoch – qui a donné le masochisme – mais a été adapté plusieurs fois au théâtre et au cinéma. C’est essentiellement une version écrite par David Ivès, où une réalité contemporaine se mêle à la fiction du roman, qu’on a pu découvrir auparavant (par exemple dans le film de Roman Polanski) et que l’on a découvert ce mois-ci au Théâtre Le Public, avec Fabrizio Rongione et Erika Sainte.

Cette pièce raconte le casting que le grand metteur en scène Thomas Novachek organise pour son adaptation théâtrale de von Sacher-Masoch. Au moment où il pense que tout est perdu et qu’il ne trouvera pas la comédienne idéale, survient Wanda dans l’embrasure d’une porte : « Toc, toc, j’arrive trop tard ? ». Elle est délurée, vulgaire, écervelée. Elle se présente : « Je suis la Vénus »… Qui est cette cinglée qui prétend être la déesse de l’amour en personne ? Il ne veut pas l’entendre, elle ne veut plus s’en aller, alors pour écourter, il finit par lui donner la réplique. Et la maudite Aphrodite se métamorphose. L’audition se poursuit dans un échange de jouissances intellectuelles et charnelles, une partie de cache-cache jubilatoire. Bientôt, Thomas ne saura plus s’il est dans la vraie vie ou bien dans celle de Vanda qui le subjugue et l’envoûte.

La Vénus à la fourrure est un texte surprenant qui entremêle humour et jeux sado-masochistes. Pour pouvoir l’interpréter, il faut deux acteurs de talent. Et si Emmanuelle Seigner manquait de crédibilité dans le film éponyme, ce que l’on a vu sur scène au Public nous a scotché. Erika Sainte est totalement investie par son rôle et navigue sans heurts entre la Vanda délurée et la Vanda manipulatrice, se permettant même un accent étonnamment crédible (qui permet de s’y retrouver parfois entre le réel et la fiction) et un final jusqu’au-boutiste. Elle est bien aidée par une interprétation impeccable de Fabrizio Rongione et la mise en scène d’Alain Leempoel. Malgré tout, le texte original est parfois trop long et s’essouffle sur la fin. Mais pas suffisamment pour gâcher le plaisir pris par cette pièce qui donne à réfléchir sur le théâtre et sur la frontière entre réalité et fiction, du théâtre dans le théâtre.

A propos Loïc Smars 484 Articles
Fondateur et rédacteur en chef du Suricate Magazine