
La Femme la plus riche du Monde
Réalisateur : Thierry Klifa
Genre : Comédie dramatique
Acteurs et actrices : Isabelle Huppert, Marina Foïs, Laurent Lafitte
Nationalité : France, Belgique
Date de sortie : 5 novembre 2025
Très librement inspiré de l’affaire Bettencourt, le nouveau film de Thierry Klifa est une comédie dramatique cynique et efficace — quoiqu’un peu longue. Marianne Farrère (Isabelle Huppert), femme d’affaires immensément riche et désespérément lasse de tout, croise la route de Pierre-Alain Fantin (Laurent Lafitte), un artiste fauché et escroc de génie. Leur rencontre fissure le vernis impeccable de la dynastie Farrère et rallume chez Marianne une passion presque obscène : celle de se sentir vivante.
C’est toujours un plaisir de regarder les ultra-riches s’ennuyer et se déchirer. La culture populaire nous l’a appris : de Gossip Girl à Succession, en passant par les plages dorées de Newport Beach, on adore observer ces drames feutrés où l’argent devient poison. Klifa s’inscrit dans cette veine, et signe ici une sorte de pendant français à Succession — plus caustique que cruel, mais néanmoins réjouissant.
Le film est porté par un casting impeccable. Les dialogues sont acérés, les personnages, englués dans leur pouvoir et leurs névroses, s’offrent des élans de générosité absurdes, des élans glaçants d’antisémitismes aussi. On sait qu’ils ne risquent jamais la chute — au pire, la prison pour certains (dorée pour Marianne). Dans ce petit théâtre de privilèges, Pierre-Alain Fantin vient faire éclater la bulle : il séduit Marianne (et nous aussi) par son insolence. Ses grossièretés deviennent presque poétiques face aux visages pincés et aux sourires figés.
En deux heures, Klifa ne prétend pas atteindre la complexité psychologique d’une série comme Succession: l’enjeu n’est pas émotionnel, on ne s’attache à personne, on observe. Ce qui compte, c’est de voir jusqu’où la famille pourra encaisser l’affront public et comment Marianne survivra à la perte d’une passion qu’elle croyait sincère. Laurent Lafitte, sous les traits de Fantin, semble lui aussi croire à son propre mensonge et donne soudain au film des instants aux allures de grand drame romantique.
La mise en scène, parfois un peu lourde, se fait pardonner par la caméra, toujours au service des acteurs. Isabelle Huppert est iconique, mélange parfait de froideur et de vulnérabilité. Un film imparfait mais savoureux, un divertissement certain, où la cruauté attendue s’essouffle— mais où le plaisir du jeu ne faiblit pas.
