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    La confession, viscosité de la foi

    Son entourage s’appelle Marie-Astrid, Bérengère ou Domitille. Et elle porte fièrement le prénom d’Agnès comme une preuve supplémentaire de sa chasteté. Dès sa naissance, elle était programmée pour devenir cette mère dévouée, la sainte domestique qui polit patiemment les surfaces de sa vie de famille nombreuse. Une vierge aimante et tempérée qui fait rempart contre le péché. Et c’est d’ailleurs ce qu’elle aurait pu être s’il n’y avait pas eu cette confession.

    Agnès, dans son enfance bourgeoise et religieuse s’est toujours rêvée au bras du Prince Charmant. Elle a attendu avec patience le jour du bal du Triomphe qui, jusque dans son nom, symbolise la consécration pour des générations de pensionnaires de Saint-Cyr. Dans cette école où se mélangent la noblesse catholique et les descendances de haut-gradés, le Triomphe est la promesse de rencontrer un bon parti et, pourquoi pas, de s’élever au rang de femme de militaire.

    Agnès rencontre, donc, Hugues qu’elle séduit par la rigueur de ses principes. La suite était programmée : un mariage placé sous la bénédiction de Dieu. Et les enfants. Pour Agnès, l’expérience de la maternité est un devoir autant qu’une gloire : la preuve de sa dévotion et de son dévouement.

    Mais le jeune couple est infertile. Alors même qu’ils commencent à calculer leurs ébats, surveillant les cycles d’Agnès avec la précision d’un métronome, rien n’y fait. Chaque mois, inlassablement, les règles d’Agnès s’imposent comme une condamnation. Un vrai chemin de croix. Pour tromper l’humiliation, elle s’engage, alors, en tant que bénévole dans une permanence d’écoute visant à remettre sur le droit chemin les femmes qui envisagent la solution de l’IVG. En encourageant la grossesse des autres, elle cherche à oublier ce qui, en elle, reste vide. Mais son combat devient vite source de jalousie. Et le détachement de son mari, ainsi que ses absences, fait naître de la rancœur, à défaut d’autre chose.

    Avec La confession, Romane Lafore intègre le milieu très codifié de la bourgeoisie catholique. Ce qui, au demeurant, peut sembler anecdotique est, en fait, une vraie prouesse. Son écriture demande de la précision. C’est d’ailleurs le défi qu’elle s’est fixé en s’engageant dans un récit de plus de 200 pages dans lequel ce n’est pas l’action qui prime.


    La Confession est l’annonce que quelque chose de terrible va souiller l’image de ce couple irréprochable. Mais finalement, la révélation est tardive et semble surtout être un prétexte pour s’immiscer dans la psyché d’une dévote. L’autrice ne peut donc pas pécher par ignorance. Elle doit être incollable sur les us et coutumes des fervents pratiquants et s’intéresser de près à l’avortement.

    Mais en plus de ses connaissances en la matière, c’est grâce à son écriture organique et corporelle que Romane Lafore se démarque. Il y a quelque chose d’humide dans son style qui se rapporte aussi bien au liquide séminal – à l’échange de fluides – qu’aux ablutions. Romane Lafore prouve sa dextérité en tant qu’écrivaine, même si on pourrait lui reprocher que le dénouement est peut-être un peu lent et son récit parfois trop verbeux.

    Cheyenne Quévy
    Cheyenne Quévy
    Responsable littérature

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    Titre : La confessionAuteur.ice : Romane LaforeEditions : J'ai luDate de parution : 3 septembre 2025Genre : Roman Son entourage s’appelle Marie-Astrid, Bérengère ou Domitille. Et elle porte fièrement le prénom d’Agnès comme une preuve supplémentaire de sa chasteté. Dès sa naissance, elle était programmée pour devenir cette mère dévouée,...La confession, viscosité de la foi