Équipe de création et mise en scène : Arnaud Hoedt, Jérôme Piron, Antoine Defoort, Clément Thirion.
Jeu : Arnaud Hoedt, Jérôme Piron et Kévin Matagne
Du 14 mai au 17 mai 2025
Au Centre Culturel d’Uccle
La sociologie, ça pique. Si cette phrase est prononcée bien quatre fois pendant le spectacle, c’est qu’il doit y avoir quelque chose. On pourrait presque dire que chaque occurrence de la réplique l’assoit davantage, la pose en vérité toujours plus générale, nous fait nous dire « ouais c’est vrai que c’est chaud franchement ». Mais avant de nous demander pourquoi ça pique, on va revenir un poil en arrière, histoire de voir sur quoi ça pique. Kevin c’est la deuxième conférence théâtrale de la compagnie Chantal et Bernadette. Si ces deux anciens profs se sont attaqués dans un premier temps à l’orthographe française dans leur spectacle La Convivialité, ils remettent ici en question le système éducatif belge, avec en point de départ cette incapacité à comprendre ce que Kevin, cet enfant hypothétique qui de prime abord à l’air bête comme ses pieds, ne comprend pas.
Parce que reprendre tout depuis le début comme le font nos deux comédiens-conférenciers, ça fait se demander plein, plein de choses. Parce qu’en sociologie, et en recherche en général, chaque réponse amène une nouvelle question. Parce que chaque constat enjoint à reconsidérer des institutions ou des manières de faire qu’on pensait immuables. Et pour revenir à pourquoi ça pique la sociologie, et pourquoi cette pièce pique particulièrement, on pourrait répondre : ça nous met le nez dedans. Dedans quoi ? Dedans nos privilèges, dedans l’absence de mixité des écoles, dedans la reproduction sociale, dedans que nous, public du théâtre oscillant entre bobo-gaucho et bourgeois conservateurs, on doit œuvrer contre notre classe si l’on veut pouvoir se regarder en face sans être dans le déni. À coup d’études, de témoignages de sociologues et d’expériences, Arnaud Hoedt et Jérôme Piron dépeignent le triste tableau de l’école en Belgique avec l’envie de tout questionner tout en voulant, à défaut de pouvoir répondre de manière absolue, proposer des pistes de réflexion.
Alors, il est vrai que dit de la sorte, Kevin ça à l’air très sérieux, fastidieux et franchement c’est pas comme ça que j’avais prévu de me vider la tête après le boulot. Et c’est là qu’on touche au point le plus intéressant du spectacle : le divertissement. En latin, on dit placere et docere, plaire et éduquer. En prof, on dit plutôt rendre sa matière vivante et attrayante. Déjà, comme énoncé un peu plus haut et comme ils le faisaient dans La Convivialité, les deux comédiens-conférenciers amènent plusieurs intéractions. Entre les sondages et les jeux, le public prend véritablement part à la représentation. Et tout le public, pas seulement deux, trois personnes prises au bol. Parce qu’en socio, tout est une histoire de moyenne, donc de masse.
Ensuite, parce que la part belle est faite à l’humour. Et c’est cette légèreté empêchant le tout d’être accablant qui fait naitre une forme d’espoir, d’envie de repenser les choses. Tout reconstruire ne parait plus si insurmontable quand on y prend du plaisir. Kevin c’est drôle. Bon après ça reste de la sociologie, du coup, quand c’est pas drôle, bah ça pique.