Inquiétante étrangeté environnementale au Hangar

Plage stérile, From the series Algues maudites, a sea of tears, 2022. © Alice Pallot

Les trois nouvelles expositions de Hangar se servent du médium photographique comme catalyseur de savoir sur la biodiversité et les politiques qui s’y appliquent actuellement. Une invitation à conscientiser, sur un mode à la fois documentaire et allégorique, la vulnérabilité de l’écosphère et à découvrir des habitabilités du monde alternatives. Pour ce faire, pas de surenchère dramatique, mais de subtiles inclinaisons artistiques et anthropologiques. Sur trois étages nous pouvons assister à des réflexions aux axes aussi précis que distincts, l’occasion de révéler les voûtes secrètes de territoire intermédiaire.

Naturels artifices avec Echoes Of Tomorrow

L’exposition s’ouvre sur le travail de Matthieu Gafsou, ses prises de vue à la saturation anxiogène cernent les limites civilisatrices des cités mêlant fiction et réalité dans une optique urbano-centrée. Alice Pallot, avec Algues Vertes – A Sea Of Tearstranspose en image un système agraire pollué, l’eutrophisation des côtes bretonnes – un fait alarmant – y est sublimée par des couleurs ensorcelantes à la fois fantomales et régénératrices. Les pleurotes expriment leur nuance et leur fragilité avec l’installation Oyster Mushrooms Orchestra du collectif De Anima. Leur mise en art équilibriste retranscrit une communicabilité sur base électrochimique. Ces univers rendent palpable des expériences où art et sciences sont sensiblement intriquées. Les environnements digitaux et les dispositifs scénographiques n’instruisent pas à charge, mais proposent une dualité intrinsèque au concept de nature que nous avons nous-même forgé.

Oyster Mushroom Orchestra, 2022. © De Anima and Adem Elahel,

Silence insulaire avec Melting Islands 

Le sentiment d’isolement, l’immensité révélée par l’océan s’accompagnent souvent d’une sensation d’infini, vectrice d’angoisse pour certains et de fascination pour d’autres. Clément Chapillon nous embarque à Amorgos en Grèce, l’île orientale la moins peuplée du pays, il y capture des personnalités qui semblent plongées dans une attente nébuleuse.

Au grand bleu, Matthieu Litt choisit la blancheur méditative, la série s’inscrit dans le programme de la résidence Artistes en Arctique et suscite une mélancolie diffuse, comme si le caractère périssable de cet espace était, d’ores et déjà, pleinement assimilé. La fatalité à la fois solaire et hantée inhérente à l’Arctique est retranscrite pars des clichés traduisant à la fois une béatitude et une anoxie aveuglante. L’islomane Richard Pak choisit pour terrain d’expérimentation artistique Tristan Da Cunha, archipel volcanique aux habitants britanniques, avec La Firme. Les protagonistes aux postures cinématographiques n’acceptent de nouveaux habitants que si un mariage a lieu, ce mode de vie jusqu’au-boutiste pose les questions des bienfaits et des dangers de la réclusion. 

From the series Les rochers fauves, 2019. © Clément Chapillon

Les contours d’une secte de l’exploitation sont dessinés avec les images de “pilleuses” ou “voleuses” de sable en pleine action de Mathias Depardon. La série de photographies les montre cillant l’océan et le sol qui s’apparentent à un terrain minier où s’étendraient de grandes heures d’intenses travaux. Mâtinées de spectralité, ces séries où l’eau revient en leitmotiv, explorent des contrées lointaines menacées par un dérèglement latent.

Replica Falsifica, décorrélation en miroir avec Paul D’Haese

Ce groupe show se termine avec le travail The False Answer, ces clichés en noir et blanc s‘accompagnent de la prose mystérieuse d’Eric Min essayiste leur assignant un phrasé qui ne rend la trame du Leporello que plus incongrue. La lecture s’en voit controversée opérant un décalage entre attente du spectateur et associations insolubles. Tromperie du système rétinien et stéréotypie de l’œil analytique sont mis en lumière. 

Pétrole I, From the series Vivants, 2022. © Matthieu Gafsou

Inférences scientifiques et mythes contemporains se mêlent à travers des clichés qui témoignent d’une réflexion complexe. Disharmonieuse ou non, la trace de l’homme oscille entre biomimétisme et pléthore capitaliste ; la notion de voyage est soustraite pour préférer celle d’expérience, qu’elle soit sociologique, biologique ou linguistique. Les visuels, la réalité problématique dans laquelle ils s’ancrent, tracent des dichotomies où l’imaginaire s’incorpore à des espaces insolites. Des séries qui n’occasionnent pas seulement une inquiétante vérité, mais une ouverture sur la diversité de notre environnement : à chaque saillie esthétique un laboratoire de fiction s’incarne. 

  • Où ? Place du Châtelain 18, 1050 Ixelles
  • Quand ? du 19 avril au 08 juillet 2023 et du mardi au samedi de 12h à 18h
  • Combien ? 7€, différents tarifs réduits possibles