Titre : Fox
Auteur.ice : Joyce Carol Oates
Edition : Philippe Rey
Date de parution : 02 octobre 2025
Genre : Roman
On ne la présente plus ! Joyce Carol Oates, ce sont des chiffres impressionnants : plus de 70 livres à son compteur et 87 années d’une vie sans retraite. D’ailleurs celle à qui l’on doit Blonde ou Les chutes vient de voir paraître son dernier livre. Fox. Un titre court pour un ouvrage volumineux qui témoigne de l’éternelle vigueur de l’octogénaire.
La romancière connue pour ses atmosphères angoissantes ne déroge pas aux traditions du polar. Fox commence pas un cadavre que l’eau poisseuse du marais dans lequel il a été trouvé rend impossible à identifier. Mais la présence d’une voiture dans ce même pan d’eau – mi réserve naturelle, mi benne à ordure – permet raisonnablement de penser que le corps en décomposition pourrait appartenir à un certain Francis Fox.
Sauf que, de l’avis général, cette hypothèse ne tient pas debout. Francis Fox est un professeur respectable, qui officiait dans la prestigieuse académie privée de Langhorne. Malgré son absence, il doit y avoir une autre explication. Personne ne pourrait soupçonner qu’un homme si séduisant puisse terminer ses jours d’une manière si lugubre. Mais se pourrait-il que derrière son assurance distinguée et sa personnalité envoûtante, Fox soit parvenu à dissimuler des habitudes aussi sombres que les eaux du marais ? Se pourrait-il que le baigneur ait longtemps réussi à noyer le poisson ?
Car Fox, le renard, chasse les chatons. Des petites nymphettes, fragiles et endormies, qui occupent sa classe de quatrième. Passé l’âge de la puberté, les filles ne l’intéressent plus. C’est la candeur et l’innocence encore enfantine de ces pré-ados qui l’excitent. En adoptant le point de vue de Fox, Joyce Carol Oates nous oblige à connaître les fantasmes pervers d’un homme aussi dérangé que narcissique. Elle n’épargne pas le lecteur. Voire elle le provoque. Car son regard n’est pas extérieur, mais principalement intérieur à ce qui, profondément, nous dérange. Francis Fox est à l’image de Humbert Humbert qu’il déteste : un personnage qui se complaît dans la justification d’un acte qu’il sait répréhensible.
Mais Fox n’est pas le seul à faire entendre sa voix. Telle une équilibriste, Joyce Carol Oates passe d’un point de vue à l’autre en l’espace d’un paragraphe. Le temps d’une page, nous pouvons nous transformer en un père désabusé ou une directrice tirée à quatre épingles. Le récit est dynamique, entre autres grâce à la multiplicité de ses psychologies. Joyce Carol Oates nous tient en haleine, même si Fox se lit plus comme une histoire de mœurs qu’un polar. Mais, comme c’est parfois le cas pour les livres excédant un certain nombre de pages, il est un peu bavard. Certains passages auraient gagné à être élagués. Même si ce n’est pas son meilleur, Fox confirme le talent d’une autrice qui a marqué la littérature contemporaine.
