Foligatto de De Crecy et Tjoyas

foligatto affiche

dessins : Nicolas de Crecy
scénario : Alexios Tjoyas
éditions : Les Humanoïdes Associés
date de sortie : 19 mars 2014

Epoustouflante et étonnante BD.

Dans la ville d’Eccenihilo souffle un vent de démence et de violence. La scène d’ouverture, énigmatique et violente, se déroule dans les tons noir et brun ; les touches de rouge en ressortent d’autant mieux, surtout le sang. Au fur et à mesure des planches, la couleur apparaît mais elle n’apporte rien de moins lourd. Comme voilées, on pourrait presque dire que les couleurs sont tristes. En accord avec le sentiment de tristesse et le fait les personnages semblent tous désabusés. Arrive le responsable de l’ordre et de la loi accompagné de ses bras droits. Pour remédier aux problèmes d’Eccenihilo, les bras droits suggèrent d’organiser un carnaval. Comme roi du carnaval, Foligatto le castrat est rappelé dans sa ville natale. Lui aussi semble désabusé, lassé par la vie. Au troisième jour du carnaval, Foligatto perd sa voix. Il reste à tous et surtout à lui, de comprendre pourquoi il l’a perdue et surtout comment la retrouver.

Le scénario d’Alexios Tjoyas peut se ressentir de manières bien différentes. La lecture n’est pas claire ni linéaire ; la clé de compréhension n’est pas donnée d’avance. Pour ma part, j’ai choisi la voie d’une poésie douce-amère sur l’enfance. Une poésie tragique qui, finalement, n’épargne personne et ne donne pas une once d’espoir. Le carnaval organisé contraste avec le personnage de Foligatto. Si la ville croit retrouver une certaine tranquillité, Foligatto, lui, va trouver une vérité cachée qui a déterminé sa vie entière. Cette partie est, à la fois, la plus compréhensible, la plus intéressante et la plus triste. Il serait inopportun de dévoiler ce qui fait le noyau de la BD ; toutefois, on peut dire qu’il est question d’influence des parents, mais surtout de force de la volonté.

Enfin, il faut parler des superbes dessins de Nicolas de Crécy. Ce sont eux qui créent l’ambiance et qui tiennent l’œil du lecteur tout le long. Ils participent pleinement à cette sensation de ressentir la BD plutôt que de la lire. Les personnages aux faciès étranges, presque inquiétants, provoquent quelque chose proche du dégoût et, parmi eux, la tête ronde et lisse du castrat détonne. La tête de Foligatto semble être restée dans l’enfance et vierge des tracas de cette ville pervertie.

Alexios Tjoyas et Nicolas de Crécy nous offre plus qu’une BD : ils nous offrent une jolie plongée dans un univers sombre et inquiétant et dans une sorte de chute de l’innocence et de la joie. Le travail sur le dessin et la couleur est impressionnant. Le coup de crayon est parfois net, parfois flou, parfois, on croirait à un dessin d’enfant. Mais la maîtrise du ton et du trait ne laisse aucun doute sur le talent du dessinateur. Quant au scénario, un peu comme un labyrinthe qui mènera à autant de réflexions qu’il y a de lecteurs, il est puissant et touchant.

Passer à côté de ce superbe Foligatto serait un crime de lèse-majesté pour quiconque apprécie la prise de risque et le brio. Ici, le neuvième art est remarquablement représenté.

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