Texte, mise en scène et interprétation Mila Turajlić
Direction artistique Barbara Matijević
Le 13 octobre 2025
Au Théâtre National
Dans le cadre du Festival des Libertés
C’est dans le cadre du Festival des Libertés que Mila Turajlić a choisi d’évoquer ses recherches, fondées sur des milliers de bobines stockées depuis plusieurs décennies dans les caves d’un bâtiment de Belgrade. Il s’agit de films documentaires réalisés principalement par Stevan Labudović à la demande de Tito, à l’époque où l’ex-Yougoslavie faisait partie du Mouvement des Non-Alignés. Ce mouvement, qui allait progressivement représenter plus de la moitié de la population mondiale, cherchait une voie alternative à celle du monde occidental ou du bloc soviétique. Une performance qui s’avère captivante.
Mila Turajlić est réalisatrice. À son actif, plusieurs films salués internationalement, tels que Cinéma Komunisto ou L’Envers d’une histoire. Pour son travail actuel, elle s’intéresse aux images d’archives, notamment aux films tournés par les caméramans qui accompagnaient le président yougoslave Tito lors de ses voyages. Avec humour, elle se décrit comme une véritable « archive junkie ».
Les bobines retrouvées sont en 35 mm, une technologie très coûteuse à l’époque (entre 1950 et 1970), ce qui explique leur excellent état de conservation. Curieusement, personne ne semble s’y intéresser, hormis elle. Même le gouvernement ne souhaite pas superviser ce projet. Elle a obtenu l’autorisation d’utiliser ces images, à condition d’en financer elle-même la numérisation. Après dix ans de visionnage de ces bobines non indexées, dont l’unique étiquette est « Non-Alignés », elle estime n’avoir exploré qu’environ 25 % du stock.
Tito fut l’un des fondateurs du Mouvement des Non-Alignés, né principalement dans les pays du Tiers-Monde en voie de décolonisation. Bien que la Yougoslavie ne soit pas considérée comme un pays du Tiers-Monde, elle joua un rôle central dans la création et la structuration du mouvement, grâce à sa position unique : un État socialiste indépendant, qui n’était aligné ni sur les États-Unis ni sur l’URSS. Ce mouvement portait des objectifs louables de justice et de solidarité, et comptait alors une vingtaine de membres, dont l’Égypte, l’Inde ou encore l’Algérie.
Pour Mila Turajlić, ce passé doit éclairer l’avenir. Ces films ne sont pas folkloriques : ils sont profondément politiques. Les jeunes générations pourraient y puiser une source d’inspiration. Le manque d’intérêt pour ces documents est d’ailleurs surprenant, voire choquant. La performance de Mila est captivante et accessible, à l’image de ses documentaires. Issue d’une famille fortement impliquée dans la vie politique du pays, elle considère son travail comme une manière d’apporter sa pierre à l’édifice. Nous ne pouvons que l’y encourager.