Ether/After : les mots peuvent aussi faire la révolution

© Lucien Gabriel & Thomas Xhignesse

Ecriture, mise en scène et scénographie d’Amel Roussel. Avec Tom Adjibi, Habib Ben Tanfous, Yoann Blanc, Romain Cinter, Clémentine Coutant, Pierre Gervais, Amandine Laval, Jarmo Reha, Lode Thiery et Uiko Watanabe. Du 11 au 22 janvier au Théâtre des tanneurs.

« Why are you here » ? peut-on lire sur une pancarte du décor. Avec sa nouvelle pièce Ether/After, Amel Roussel embarque le spectateur sans chichi ni ceinture de sécurité dans une virée au cœur de sujets sociétaux aussi touchy que fondamentaux. Prêts ? Alors c’est parti !

Par un joli jeu de mise en abyme, le spectateur est plongé au cœur d’une répétition de pièce de théâtre à laquelle il est d’ailleurs invité à participer (un 4e mur ? Jamais entendu parler !) Laissés sans metteur en scène et abandonnés par le comédien jouant le rôle de Baal, la troupe répète tant bien que mal la pièce de Bertolt Brecht. Bien qu’elle s’inscrive pleinement dans le thème choisi par Roussel, l’œuvre passe rapidement au second plan, submergée par la succession de réflexions abordées par les artistes. Amour, violence, joie, solitude, vide existentiel pour n’en citer que quelques-une, ils sont dix à prêter leur voix pour s’attaquer à ce qui compose notre société dans ce qu’elle a de plus pur et de plus moche.

Evitant le piège d’une surexploitation numérique (aussi tendance qu’inutile et gênante pour le spectateur), Roussel propose une mise en scène alliant technologie et exploitation audacieuse de l’espace. On apprécie : la diversité des langues comme invitation à s’ouvrir au monde, la scène installée au cœur des spectateurs et la proximité qui en découle (oserons-nous dire le théâtre au cœur de la société ?), l’exploitation des deux scènes et l’important travail d’occupation des espaces. On regrette : la densité des sujets abordés qui ne permettent pas au spectateur de prendre part au débat. Il n’empêche que quand le théâtre prend le temps de s’interroger sur son rôle sociétal et qu’il dévoile ses failles avec intelligence et humilité, on ne peut qu’applaudir et en demander davantage. Parce que la remise en question est une force qui déjoue les pièges de l’immobilité et de la bêtise qui caractérisent notre société, Roussel prouve qu’une fois de plus, l’art et la culture ont leur place et leur mot à dire. En nous montrant que les mots peuvent aussi faire la révolution, Ether/After nous lance au visage : « N’en déplaise à certains, nous ne mourrons pas ».