Eclosion d’Ezekiel Boone

auteur : Ezekiel Boone
édition : Actes sud
sortie : avril 2018
genre : science-fiction

Si l’on vous dit que c’est l’histoire d’un fossile vieux de plusieurs milliers d’années, hérité d’une civilisation tombée dans l’oubli, engloutie dans l’abîme du temps, un fossile maudit qui se réveille soudain pour libérer un mal sans précédent, un mal qui va fondre sur l’humanité comme la fin sur le monde, ne laissant derrière lui que la mort et la désolation, vous nous répondez quoi ?

Eh bien non, il ne s’agit pas de Lovecraft, mais bien d’Ezekiel Boone, alias Alexi Zentner pour les intimes, qui signe avec Éclosion le premier tome d’une trilogie plus que prometteuse.  Ah ! Apocalypse quand tu nous tiens. Ici, point question de zombies ni d’extraterrestres. Si fin du monde il doit y avoir, celle-ci nous sera décernée par de sales petites bestioles à huit pattes, les pires dans la catégorie « sales bestioles » : on parle bien sûr des araignées. (Bon c’est vrai, il ne s’agit pas de n’importe quel type d’araignées, mais à ce propos, nous n’en dirons pas davantage, car nous ne voudrions pas vous gâcher le plaisir de la découverte.)

On nous souffle dans l’oreillette qu’il s’agirait d’une œuvre située quelque part entre The Walking Dead et Jurassic Parc. C’est pas faux, mais dans un souci d’exhaustivité, il faudrait inclure à ce mélange un soupçon de World War Z (pas le film hein : le roman de Max Brooks), car de la même façon que dans cet incontournable chef-d’œuvre de la littérature catastrophe, la construction narratologique bondit de chapitre en chapitre d’un continent à l’autre, multipliant les protagonistes et les prises de vue.

Remarquons en passant qu’Ezekiel Boone veille systématiquement, même pour ses personnages les plus éphémères, à leur conférer une personnalité, un quotidien – parfois de façon sommaire, pour ne pas dire expéditive, mais tout de même : l’effort paye. On appelle ça faire preuve de profondeur romanesque. Ou alors on parle de description avec du relief. C’est ce qui nous rend un personnage humain. Ce qui fait qu’éventuellement on s’y attache… pour mieux le perdre ensuite, dans d’atroces souffrances ! Non vraiment, si Boone puise son inspiration dans thèmes chers à Lovecraft, on ne peut guère en dire autant pour son écriture. À ce niveau-là, on aurait plutôt affaire à un disciple de Maupassant, à s’y méprendre.

Bref, pour en revenir à l’effet choral du récit, ce jeu polyphonique confère à l’ensemble de l’œuvre une impression de compte à rebours global, planétaire, qui va embrigader le lecteur de gré ou de force dans sa course. Chapitre après chapitre, la tension ne cesse de grimper, inéluctablement. Si bien que l’urgence devient palpable. Et l’on se demande ce qu’ils attendent avant de nous balancer la suite !

A propos Ivan Sculier 67 Articles
Journaliste du Suricate Magazine