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    Doubles jeux, mademoiselle le Chevalier

    Damien MacDonald écrit l’histoire du Chevalier d’Éon, à la fois espionne et espion au service de Louis XV, qui passa régulièrement de l’habit de l’homme et de la femme pour se jouer de son époque et devenir jusqu’aujourd’hui encore, une énigme et un modèle. L’auteur raconte comment Beaumarchais persuada d’Éon de lui rendre des lettres d’État confidentielles en échange d’un passe-droit pour revenir en France. En échange, d’Éon allait devoir se plier à une règle édictée par le roi : être obligé.e de laisser ses vêtements « d’homme » en Angleterre, et venir revivre en France en tant que « femme » uniquement.

    Le Chevalier d’Éon intrigue donc autant pour ses changements de genre, de costumes, d’identité que par sa profession. Sa vie est hautement romanesque, en tant que personnage protégé par la cour de France et la royauté. MacDonald semble n’en être pour autant pas convaincu. Au lieu de se concentrer sur sa personne très complexe, nous allons partir à la rencontre de Beaumarchais mais aussi de Robertson et ses fantasmagories, et de toute une clique de personnalités connues de l’époque, en Angleterre et en France.

    MacDonald choisit d’emmêler sa narration pour raconter son histoire dans un théâtre, tandis que des soldats s’apprêtent eux-mêmes à arrêter Beaumarchais, auteur de la pièce. Il aurait peut-être dû revoir Inception plusieurs fois, avant de se lancer dans cette l’aventure. Il n’y pas de tension dans le récit, ni dans la narration, ni dans le graphisme où tout semble plat, sur la même couche, à cause du choix malheureux d’avoir voulu toujours dessiner les personnages discutant devant des fonds bleus ou d’une autre couleur uniforme, comme la production d’un film avec beaucoup d’effets numériques se rendant compte un peu trop tard du manque de budget.

    Pour autant, Doubles jeux est-il inintéressant ? Non, encore faut-il s’accrocher et aimer l’Histoire. D’abord, parce que MacDonald a fait le choix de faire parler les personnages comme on pourrait s’imaginer qu’ils parlaient alors, ce qui frôle le ridicule par moment. Ensuite, parce que l’auteur a beau être calé, il ne fait pas vraiment preuve ici de pédagogie envers le lecteur ou la lectrice. C’est à nous de nous débrouiller avec les noms, les groupes, les guerres qui datent de la fin du XVIIIème siècle, et de faire benoîtement « oui oui » de la tête comme si on était de retour sur les bancs du cours d’histoire en secondaire et qu’on comprenait tout.

    La bande dessinée se clôt par un dossier conçu par Pauline Valade, historienne, qui ose elle parler un petit peu de genre et de système patriarcal autorisant ou non une personne à choisir d’être un homme ou une femme, en l’occurrence ici une femme, et de rester calmement assise dans sa chaumière sans faire trop d’ennui. On peut tout de même regretter qu’un album de 145 pages donne si peu d’importance à cette question, qui aurait pu être traitée intelligemment.

    Au final, on a dans les mains un livre d’histoire sur la fin du XVIIIème siècle, qui esquisse ce qu’étaient alors les relations entre la France et l’Angleterre. Un livre d’histoire qui aurait gagné peut-être à se prendre moins au sérieux. Le fait que cet ouvrage ait été réalisé avec le soutien du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères explique peut-être les raisons pour lesquelles l’équipe secrète entourant Louis XV est parée d’un si grand éclat de mystère et de profondes vénérations.

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    Doubles jeuxAuteur.ice : Damien MacDonaldÉditeur : FlammarionDate de parution : 17 septembre 2025Genre : Bande dessinée historique Damien MacDonald écrit l’histoire du Chevalier d’Éon, à la fois espionne et espion au service de Louis XV, qui passa régulièrement de l’habit de l’homme et de la femme pour...Doubles jeux, mademoiselle le Chevalier