Titre : Déborder Bolloré
Auteur.ice : Ouvrage collectif
Edition : Coédition collective
Date de parution : 06 juin 2025
Genre du livre : Essai
Bolloré est un coureur de fond. Il investit avec patience pour atteindre deux objectifs qui ne sont plus un secret pour personne : la maximisation de ses profits et la concrétisation de son combat civilisationnel. Fervent défenseur d’un certain conservatisme catholique, et surtout sympathisant des mouvances nationalistes, Bolloré ne cache pas l’intérêt qu’il porte à la sphère médiatique, susceptible de l’aider à véhiculer ses idées. Alors le grand Vincent, enhardi par sa mission idéologique, agit avec patience, s’attachant aussi bien au domaine télévisuel qu’à celui de l’édition. Et c’est justement ce deuxième secteur qui, littérature oblige, nous intéresse.
Contre ce travail de fourmi qui permet à l’extrême droite de s’infiltrer dans nos librairies, des voix se sont élevées. Celles d’auteur.ices, éditeur.ices, libraires, ou encore imprimeur.euses indépendant.e.s, trouvant dans l’écriture d’un ouvrage collectif la possibilité de se faire entendre. Malgré une manufacture assez épurée, le livre s’attache à un symbole graphique fort. Celui justement de la fourmi. Fausses coquilles, contours du titre, ou simple tache sur la page, elles sont partout. Grouillantes. Dérangeantes peut-être. Elles envahissent le livre comme le fait un certain milliardaire avec le marché. Mais l’insecte n’est pas seulement synonyme d’aversion. Il représente aussi la collectivité, la nécessaire collaboration des différents acteurs qui œuvrent pour le renversement de l’empire Bolloré.
En 2023, Bolloré rachetait Hachette dans une relative indifférence populaire. Mais dans le monde de l’édition, la nouvelle n’est pas accueillie avec enthousiasme. Quoiqu’il en soit, les jeux sont faits. Celui qui a transformé l’entreprise de papeterie familiale en un empire tentaculaire, a obtenu l’acquisition du plus grand groupe français et sixième sur le marché mondial du livre. En échange, il a été obligé de céder le groupe d’édition Editis qu’il possédait. Mais bénis soient les dieux, il a pu le transmettre à un homme qui partage sa grandeur d’âme et ses idéaux, le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky. Le projet Bolloré c’est, donc, la création d’un monopole vertical et horizontal sur le marché et le contrôle de la transmission des valeurs par le livre et les médias.
Les défenseurs du projet se moquent des prévisions alarmistes qui ont été faites à l’époque du rachat. Mais la mainmise de Bolloré est plus insidieuse. Patiente mais bien réelle. Et surtout, elle s’opère à tous les niveaux de la production du livre. C’est pourquoi Déborder Bolloré a pour mission de donner la parole à des acteurs différents du secteur afin que le portrait qui soit fait de la situation soit le plus complet possible. On y trouve notamment un chapitre qui retrace les impératifs économiques du marché de l’édition ou encore un autre qui étudie la méthodologie que suit Bolloré dans ses investissements. Mais c’est aussi son impact sur le domaine pédagogique et la réalité des maisons d’édition et librairies indépendantes qui est mise à l’honneur. Et bien sûr, certains auteurs se concentrent sur le discours anti-wokiste qui légitime les débordements.
Déborder Bolloré est signifiant. Pluriel dans son écriture. Et surtout nécessaire. On peut ne pas être d’accord avec toutes les idées qu’il véhicule, il n’en reste pas moins que prendre la mesure de ce que la situation monopolistique du marché du livre implique comme danger est un devoir pour chaque acteur du secteur, du lecteur à l’auteur, en passant par le libraire et l’éditeur. Et pour qu’aucune excuse ne soit possible, le contenu entier du livre est disponible sur la plateforme qui lui est dédiée. Des actions concrètes prennent également vie, auxquelles un chapitre du livre est d’ailleurs consacré.