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    Collection Meets aux MRBAB : dialogue sous tension entre Meurant et Kavula

    Aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, le premier volet du cycle Collection Meets met en regard l’abstraction colorée de Georges Meurant et les œuvres textiles de la Sud-Africaine Bonolo Kavula. Derrière l’harmonie des formes géométriques, l’exposition révèle un contraste saisissant entre récit institutionnel et mémoire culturelle.

    Avec Collection Meets, les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique inaugurent une nouvelle salle dédiée à l’art contemporain, dont les accrochages changeront deux fois par an. Ce premier dialogue associe Georges Meurant (1948-2023), figure de l’abstraction belge, et Bonolo Kavula (1992-), artiste sud-africaine émergente.

    Une rencontre scénarisée

    Le communiqué du musée met en avant un « dialogue » et une « rencontre », affirmant que « l’inspiration n’est pas appropriation ». Loin d’être anodine, cette formule cherche à atténuer d’emblée toute polémique. Dans cette perspective, le commissaire Pierre-Yves Desaive insiste sur la continuité esthétique : grilles colorées de Meurant et compositions textiles de Kavula, toutes rattachées à l’art sériel et au minimalisme occidental. Une lecture esthétique, rassurante, qui met l’accent sur la forme et laisse davantage en arrière-plan les questions de reconnaissance, de mémoire et de rapports de pouvoir.

    Collection Meets
    MeurantMeetsKavula(c) Royal Museums of Fine Arts Belgium_Jelle Van Seghbroeck

    Kavula, entre minimalisme et mémoire

    Le travail de Kavula ne se limite pourtant pas à un simple jeu formel. Elle revendique clairement ses filiations : minimalisme et conceptuel américains, avec des références comme Agnès Martin, Sol LeWitt ou Joseph Kosuth. Mais son œuvre introduit une dimension que ces maîtres n’avaient pas : l’usage du shweshwe, tissu traditionnel sud-africain issu de l’époque coloniale, transmis par sa mère et son arrière-grand-mère. Par tressages, entrelacements et assemblages, elle compose des surfaces vibrantes, rehaussées de perles colorées qui scandent le rythme. Ces pièces portent une mémoire coloniale et féminine ; elles affirment une responsabilité : nommer les sources, assumer les filiations, faire de l’art un espace de transmission. Là où le musée parle d’« inspiration », Kavula insiste sur la reconnaissance.

    Bonolo Kavula
    Bonolo Kavula_2021_Studio Portrait_HR
    Bonolo Kavula, Lewatle (2022)
    Bonolo Kavula (°1992) Lewatle (2022) (detail), courtesy by the artist, Smac Gallery Cape Town, Stellenbosch and The Ekard Collection.

    Une tension productive

    Ce contraste illustre une tension fréquente dans les musées européens : d’un côté, un discours institutionnel qui cherche à offrir une lecture universelle et accessible ; de l’autre, une voix artistique qui introduit mémoire, histoire et résistance. Meurant apparaît comme une figure patrimoniale, consacrée et légitime ; Kavula incarne une relève à suivre, capable de conjuguer minimalisme occidental et racines africaines sans s’y dissoudre.

    En harmonisant le récit, l’institution met en sourdine une partie de la conflictualité. Mais paradoxalement, c’est cette tension qui rend l’exposition stimulante : elle met en lumière deux approches, deux statuts et deux manières d’habiter la forme. Collection Meets devient la vitrine des contradictions du monde muséal contemporain — et une belle occasion de (re)découvrir Meurant tout en découvrant Bonolo Kavula, voix montante qui mérite, à juste titre, la lumière.

    Georges Meurant, Sans Titre (2011)
    Georges Meurant, Sans Titre (2011), courtesy of the artist & Aeroplastics

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