Celui qui se moque du crocodile n’a pas traversé la rivière au Public

Mise en scène de Brigitte Baillieux et Yaya Mbile Bitang, de et avec Guy Theunissen et François Ebouélé. Du 11 janvier au 3 mars 2018 à 20h30 au Théâtre Le Public.

Une chaise, une table, un fouillis de livres épars et deux artistes qui se présentent au public dans l’intimité de la salle des voûtes. Ils se sont rencontrés au Cameroun et se sont liés d’amitié.

Il leur vient alors l’envie de monter un spectacle qui mêlerait leurs différences et leurs ressemblances. Un plaidoyer qui veillerait à susciter des questionnements, titiller des consciences et démonter des clichés. C’est à Ouagadougou en 2012 que la pièce est née.

Leur inspiration ? Des répétitions, entre collaborations et affrontements, et des observations portées sur la vie elle-même. C’est le « vrai » qu’ils veulent montrer, d’authentiques réflexions, un véritable (petit) coup de gueule aussi.

Contexte inspirant que ce racisme dont ils sont tous deux les victimes : Guy est appelé « le blanc » en Afrique alors que François est « un noir » en Europe. Pour s’en affranchir, sur scène, ils tombent la chemise et se barbouillent le torse nu au feutre, écrivant sur l’un les informations relatives à l’identité de l’autre.

Ensuite, pour ceux qui auraient sécher les cours ou pour les plus jeunes, ils retracent les grandes lignes de l’histoire africaine au travers de ses figures de proues, abordent la problématique de la dette africaine ou encore de l’époque coloniale.

Malgré une volonté de mélanger leur culture, François et Guy tiennent un discours relativement unilatéral. Le nom du spectacle est issu d’un proverbe africain, la musique diffusée est africaine, l’histoire aussi… Comme si l’Afrique bénéficiait de courbettes trop polies faites à l’invité. Une position qui peut sembler inéquitable quand on prône l’égalité.

L’un des meilleurs moments de la pièce réside sans doute de l’enchevêtrement de leurs vécus à l’annonce d’un évènement international, tel que la chute du mur de Berlin. Chacun raconte les retombées très différentes, voire opposées qu’ils ont subies. Il y avait là un point de vue fort intéressant, une vérité qui n’était pas universelle. Une confusion utile pour dépeindre l’infinie complexité à se comprendre quand on ne vit tout simplement pas la même chose.

Cependant, le niveau de tension du spectacle ne s’est élevé qu’avec les voix, au cours d’une scène de dispute qui prend des allures de soirée trop arrosée où l’on se balance des vérités à la figure. Une mésentente est-elle le climat le plus approprié pour se révéler l’un à l’autre ? Là aussi, le parti pris est pour le moins discutable.

On regrette un contre-pied qui aurait redistribué les cartes et pousser plus avant la complexité des problèmes abordés. Sans quoi, pour le spectateur averti, le propos peut sembler simpliste et naïf. Sachant que le spectacle était à l’origine joué en Afrique pendant quatre heures, et qu’il a donc été raboté de 2h45 pour nos besoins, il a peut-être perdu au passage sa substantifique moelle. Ou peut-être était-il destiné à un public jeune, pour lequel il a sans nul doute beaucoup plus de choses à dire ?

Puisque la pièce ne voulait se teinter ni de noir, ni de blanc… L’avis ne pouvait donc être que mitigé. Simple, oui… trop peut-être, mais touchant de bonne humeur et d’une vraie bonne entente entre deux amis qui ont très envie de nous emmener avec eux dans leurs réflexions sur les relations humaines.

 

A propos Katelyne Marion 23 Articles
Journaliste au Suricate Magazine