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    Ce n’est qu’un jeu ? Quand le plateau révèle et déjoue les idéologies de la société

    Dans Ce n’est qu’un jeu. Usages politiques du jeu de société, Henri Kermarrec explore finement le jeu de société comme un véritable miroir des sociétés humaines. Loin d’être un simple divertissement, cet objet culturel révèle des rapports de classe, vecteur de propagande (coloniale, capitaliste) ou encore support de réflexion écologique.

    Auteur, joueur et enseignant en game design, Kermarrec signe un essai documenté et clairvoyant, structuré en deux parties. Le premier retrace la riche histoire des jeux de société, non pas comme une évolution linéaire, mais comme une diversification des pratiques et des mécaniques. La perspective historique permet d’observer l’émergence de pratiques dans l’histoire en parallèle aux jeux qui ont perduré, quand d’autres témoignent d’innovations ludiques. Considérer le jeu de société comme un véritable objet culturel, au même titre que les arts, la littérature ou le cinéma, revient à admettre qu’il transmet et parfois impose des imaginaires et des représentations caractéristiques de chaque époque.

    La seconde partie, plus critique, interroge le jeu comme objet politique. L’auteur défend l’idée que les jeux de société ne sont ni réservés aux enfants ni cantonnés au divertissement : ils peuvent être des outils de réflexion, de conscientisation et même qu’ils sont pertinents en tant qu’outils de lutte.

    À travers une lecture engagée, l’auteur invite à décrypter les imaginaires véhiculés par les mécaniques de jeu : la logique productiviste du « placement d’ouvriers » d’Agricola, l’idéologie impérialiste ou coloniale des jeux de conquête, ou encore le capitalisme incarné par le Monopoly, dérivé du Landlord’s Game imaginé par Lizzie Magie pour en dénoncer les dérives foncières.

    Certains jeux, à contre-courant des modèles dominants, reprennent ces mêmes mécaniques productivistes ou compétitives pour mieux les détourner. Ils en révèlent la supercherie et adoptent ainsi une posture critique sur les systèmes qu’ils mettent en scène.

    Ces anecdotes permettent également d’apporter un éclairage sur l’industrie de l’édition des jeux de sociétés : de son évolution du DIY à l’industrialisation en passant par les maisons d’édition contemporaines de passionnés. On y découvre les écoles culturelles qui ont leurs spécificités, l’école américaine et l’école allemande et ses jeux familiaux créatifs par leurs mécaniques évitant le conflit, ainsi que les distinctions emblématiques comme le Spiel des Jahres ou l’As d’Or. Autant d’éléments révélateurs des différences culturelles et de la prédominance occidentale dans le monde ludique.

    L’ouvrage, cristallise la recherche sur le sujet avec une approche à la fois rigoureuse et accessible. En dévoilant les logiques culturelles et économiques à l’œuvre dans le game design, Henri Kermarrec nous aide à mieux comprendre nos pratiques de joueurs et les imaginaires qu’elles véhiculent.

    Cette analyse permet de saisir les mécanismes du jeu, d’aborder le game design et, par-là, de mieux comprendre nos pratiques de joueurs ainsi que les logiques de production.

    Destiné à celles et ceux qui jouent pour le plaisir autant que pour la réflexion, cet essai, agréable et rapide à lire sans jamais être simpliste, offre un regard détaillé et stimulant. Il prouve, non innocemment, que ce ne sont pas « que » des jeux — et c’est bien ce qui nous les fait aimer.
    Henri Kermarrec invite à se réapproprier les jeux de société en mesurant leurs impacts bien réels, à en décrypter les valeurs et les propagandes sous-jacentes, à prendre du recul, mais aussi à les chérir pour leur incroyable diversité.
    Narratif et engagé, Ce n’est qu’un jeu renouvelle la magie du jeu : il invite à jouer autrement, en conscience.

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    Titre : Ce n'est qu'un jeu - Usages politiques du jeu de sociétéAuteur.ice : Henri KermarrecÉditions : Éditions du communDate de parution : 31 octobre 2025Genre : Essai Dans Ce n’est qu’un jeu. Usages politiques du jeu de société, Henri Kermarrec explore finement le jeu de société comme un véritable miroir...Ce n’est qu’un jeu ? Quand le plateau révèle et déjoue les idéologies de la société