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    Bovary, Emma à l’opéra pour une relecture 2.0.

    Si on vous dit femme badasse, à qui pensez-vous ? Cat woman ? La blonde en combinaison jaune qui siffle dans Kill Bill ? Michelle Obama ? Et maintenant, si on précise que cette femme en question est connue pour avoir préféré au missionnaire morne et campagnard de son mari, une vie d’adultère. Et si on ajoute à cela que son géniteur – oui parce qu’il s’agit d’un personnage féminin fictif écrit par un homme – a été mis au ban de la société pour atteinte à la pudibonderie ? Là, directement, ça vient ! De vieux souvenirs de dictées. Des bancs de l’école secondaire que venaient narguer les rayons du soleil. Madame Bovary. Une figure étudiée dans la littérature comme emblème de l’émancipation de la femme. Il faut dire que madame Bovary semble bien indocile pour son époque. En 1856, le seul droit dont jouit la femme mariée est celui d’être une bonne épouse, nécessairement comblée par l’amour de ses enfants, par ses tâches domestiques et par le privilège de porter le nom d’un homme bien intégré dans sa communauté.

    Deux siècles plus tard, les combats ont évolué. Madame Bovary se parfume et accorde beaucoup d’importance à la tenue de ses ongles qui sont « brillants, fins du bout, plus nettoyés que les ivoires de Dieppe, et taillés en amande ». Tout en elle semble crier : « Pick me ! », alors qu’elle se pavane devant les hommes, avec son air candide. Et alors ? Au XXIème, les enjeux ne sont plus les mêmes. Alors comment mettre en scène cette femme aujourd’hui ? Voilà la question que semblent s’être posés Harold Noben, Michael De Cock et Carme Portaceli, en proposant une lecture actuelle du roman de Flaubert. C’est une Emma 2.0 qui se confie, avec ses problèmes d’achats en ligne et de surconsommation. Appelons là juste Emma, prénom féminin extrêmement populaire à l’aube des années 2000, cette femme qui incarne la modernisation des préoccupations flauberiennes.

    Et d’ailleurs, outre l’écriture, ce qui l’entoure semble également appuyer la démarche. Madame Bovary est un opéra en un acte, proposé au Théâtre National, rendant l’expérience peut-être plus accessible pour ceux qui n’en ont pas l’habitude. L’actualisation du récit donne un rendu plus transgénérationnel. Comme en témoigne, d’ailleurs, le choix de Michael De Cock (directeur de la KVS) de se tourner vers un jeune compositeur belge, Harold Noben. Le décor est minimaliste, les costumes travaillés pour une expérience qui résonne avec des questions d’aujourd’hui. Une belle manière de transmettre l’opéra et un texte très chargé en terme d’héritage culturel aux plus jeunes (et aux moins jeunes aussi).

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