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    [BIFFF] Paul Raschid : « Le jeu vidéo enrichit le cinéma »

    Vous la connaissez l’interview du fond de tiroir ? Mais si, celle que vous retrouvez cinq mois après l’avoir faite et où vous vous dites « Oh merde, j’ai oublié de la publier celle-là ». Un peu comme un chips que vous retrouvez entre deux coussins de votre canapé et que vous hésitez à manger car il pourrait dater de plusieurs mois. Eh bien au Suricate, on n’hésite jamais dans ce genre de situation et on mange le chips. Surtout quand le chips est une interview de Paul Raschid, réalisateur de Hello Stranger, film interactif qui a déchaîné le public du BIFFF. Pendant la projection du film, Paul Raschid était d’ailleurs dans la salle de projection et choisissait les différentes options possibles du film selon les réactions du public. Un procédé qui, comme vous vous en doutez, a donné lieu à un joyeux bordel. Mais c’est ça qu’on aime au BIFFF. Interview entre interactivité, jeux vidéos et réflexion sur l’avenir du cinéma.


    Paul Raschid, bonjour ! Première question : comment avez-vous vécu l’accueil du public pour votre film au BIFFF ?

    Ah vous étiez à la projection ? 

    Bien sûr.

    Super ! L’ambiance était complètement folle dans le public. J’espérais ce type d’accueil et je connaissais déjà le public du BIFFF, donc je me disais qu’il serait parfait pour ce que nous faisons, le film interactif, et il ne m’a pas déçu.

    Vous vous attendiez à autant de folie dans la salle pendant le film ?

    Je m’attendais à de la folie, mais je pense que c’était encore plus intense. Le problème, c’est que je ne savais pas vraiment à quel point le public serait bruyant car quand j’étais dans la cabine de projection pour contrôler les choix, on n’entendait pas grand-chose à cause de la vitre et du bruit des ventilateurs du projecteur. Je n’entendais donc rien. Mais ma copine était dans le public, elle m’envoyait des messages du genre « c’est dingue, c’est dingue ! » Et puis George (ndlr : Blagden, un des acteurs) était avec moi là-haut, il est descendu et est resté dans la salle un moment. Quand il est remonté il m’a dit « mec, c’est complètement fou, c’est dingue là-bas ». Donc oui, je suis très heureux que cela ait captivé l’imagination du public du BIFFF.

    Avez-vous été surpris par les choix du public pendant le film ? 

    D’une certaine manière, oui. Je pensais que le public du BIFFF essaierait peut-être de se tromper davantage et de le faire tuer encore plus. Mais je pense que c’est la nature même du jeu. Une fois que vous êtes mis au défi, vous voulez vraiment gagner, c’est ce qu’il y a de beau dans ce format hybride entre film et jeu : vous faites ressortir chez les spectateurs un esprit de compétition qu’ils n’ont manifestement pas dans un film normal.

    Votre film emprunte aussi beaucoup de codes aux jeux vidéo. Le considèrez-vous comme un film ou comme une œuvre interactive ? 

    C’est une très bonne question. Je pense que c’est définitivement un film interactif. Dans le monde du jeu vidéo, on les appelle des jeux FMV. J’aime penser que c’est un véritable hybride entre les deux, qui peut être apprécié aussi bien comme un film que comme un jeu. Je pense qu’il y a des éléments des deux que le spectateur peut regarder et apprécier, ainsi que des éléments que les joueurs recherchent : des histoires, des défis, la rejouabilité, l’univers vaste. 

    En tant que cinéaste, vous nous avez dit avant le film que c’était assez difficile à réaliser, car vous deviez tout refaire plusieurs fois. Comment vous y êtes-vous pris ? 

    Il faut tout planifier très précisément, sinon tout va de travers. C’est une question d’expérience. Plus vous réalisez de films interactifs, plus vous apprenez les raccourcis, car vous devez tourner plus de contenu que si vous réalisiez un film de 90 minutes. Je vais prendre plus de temps pour tourner les scènes et il faut simplement l’accepter en tant que réalisateur et devenir plus efficace et pragmatique dans son tournage. Si je réalisais une version linéaire de ce film, je passerais plus de temps sur les scènes, j’ajouterais plus de texture. Mais avec l’interactivité, tu disposes d’un tout nouvel outil qui sert à raconter l’histoire. Mais il y a moins de place pour l’improvisation.

    Et ce n’est pas votre premier film interactif. Est-ce quelque chose que vous souhaitez faire de manière générale, approfondir ce type particulier de film ? 

    Oui, absolument. Je réalise exclusivement des films interactifs depuis 2019. Ce qui m’enthousiasme en tant que cinéaste, c’est qu’il s’agit d’un format tellement récent, que j’écris un langage qui a du sens pour moi, car il n’existe pas encore de langage établi pour les réaliser. C’est passionnant : être en territoire inconnu et explorer les genres qui fonctionnent dans le domaine interactif, prendre différents genres et trouver où se situent réellement l’interactivité et les choix que le public peut faire pour influencer l’histoire. J’ai réalisé des films de science-fiction, d’horreur, des comédies romantiques et des thrillers d’horreur technologique avec Hello Stranger. Il sera intéressant de voir quels autres films fonctionnent. Je suis avant tout cinéaste, c’est mon premier métier et le tournage se fait comme pour un film, avec des acteurs professionnels et une équipe complète. Mais on dispose en plus d’un département supplémentaire avec une équipe de développeurs de jeux vidéo qui s’occupe de la mise en place. 

    Vous n’allez donc réaliser que des films interactifs ?

    Je suis passionné par ce format. Mais je ne dirais pas non si un film traditionnel se présentait. Il y a des opportunités, je pourrais le faire, mais je ne voudrais jamais arrêter de faire de l’interactif. Je pourrais vouloir faire un film traditionnel, puis revenir à une histoire interactive.

    Voyez-vous beaucoup d’avenir dans ce croisement entre le jeu et le cinéma, entre la réalité et la fiction ? Le considérez-vous comme un nouveau type d’art ou comme un croisement entre deux types de pensée ? 

    Je le vois vraiment comme un croisement. Vous prenez les dispositifs, les principes et les mécanismes narratifs établis dans l’industrie du jeu vidéo et vous les appliquez à la narration cinématographique. Cela enrichit le film et renforce l’histoire. On emprunte également des structures cinématographiques établies et on les transpose dans les jeux. On prend le meilleur de deux domaines et on cherche à voir comment ils peuvent coexister et fonctionner ensemble pour créer un nouveau type d’histoire, ce qui est vraiment passionnant. À l’heure actuelle, compte tenu de la manière dont les gens consomment les contenus, ce type d’expérimentation et de collaboration entre les formats est vraiment important et passionnant. Je pense que davantage de personnes devraient s’y essayer.

    Êtes-vous personnellement un grand fan de jeux vidéo ? 

    Oui, je le suis. Je ne suis pas un joueur invétéré, car pour certaines personnes, c’est une activité sérieuse, mais j’ai toujours été un joueur toute ma vie, plutôt occasionnel, mais un joueur quand même. J’ai ma PlayStation, mes consoles. Je joue tout le temps.

    Du coup, quel est votre jeu vidéo préféré de tous les temps ? 

    Oh mon Dieu, quelle question difficile. Je suis un grand fan de la franchise Assassin’s Creed. J’adore la trilogie Ezio Auditore d’Assassin’s Creed, où Ezio était le protagoniste principal. J’aime aussi Assassin’s Creed Odyssey, qui est sorti récemment. Je suis également fan de Kingdom Hearts et d’Horizon Zero Dawn. Je suis un grand amateur de jeux de rôle. Si je devais choisir un seul jeu, ce serait peut-être Kingdom Hearts, car il a marqué mon enfance. Il représente pour moi une grande nostalgie et une grande importance. Aujourd’hui, si j’y jouais, il n’aurait plus autant d’importance, mais c’est le jeu que j’ai le plus aimé dans ma vie.

    À quoi jouez-vous le plus en ce moment ? 

    En ce moment, je joue à FIFA, mais je m’apprête littéralement à acheter le nouveau jeu Assassin’s Creed. Je joue également à Hollow Knight sur Steam Deck en tant que jeu PC. Je m’apprête à me plonger dans Assassin’s Creed Shadows. 

    Si vous deviez choisir un jeu vidéo multijoueur, lequel serait-ce ? 

    Bonne question. Peut-être Dead by Daylight. Je l’aime beaucoup. 

    Et un jeu auquel vous êtes imbattable ? 

    TimeSplitters. Il y avait un jeu sur PS2 qui s’appelait TimeSplitters et quand j’étais enfant, j’étais incroyable, surtout à TimeSplitters 2. Mon personnage était le singe et je gagnais tous les deathmatchs en équipe ou tout ce que nous faisions. C’est le jeu où j’ai atteint mon apogée. Et vous, vous jouez aussi ?

    Un peu mais surtout à FIFA ! Un grand merci à vous Paul Raschid et bravo pour votre film.

    Olivier Eggermont
    Olivier Eggermont
    Journaliste du Suricate Magazine

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