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    [BIFFF 2025] Interview de Paco Plaza: « Mon documentaire culinaire est mon film le plus important »

    Il a révolutionné le film d’horreur avec [Rec] et s’est érigé en véritable porte drapeau du cinéma de genre espagnol au fil des années. Paco Plaza était de passage à Bruxelles pour le BIFFF, l’occasion pour nous de discuter du cinéma d’horreur espagnol, de son admiration pour Danny Boyle mais aussi de son récent documentaire culinaire sur le célèbre restaurant basque Mugaritz. Plongée dans l’univers d’un vrai passionné.


    Bonjour Paco Plaza et bienvenue au BIFFF. Malgré votre grande carrière, c’est votre première fois ici. Comment est-ce possible ?

    C’est la question que je me pose aussi (rires). En 2000 j’avais réalisé un court métrage (ndlr : Abuelitos) qui a été récompensé ici et certains de mes films ont été projetés comme [Rec] ou Veronica mais j’avais toujours un projet en cours ou autre chose et je ne pouvais pas venir. Mais cette année, j’avais l’occasion de venir passer une semaine ici et je l’ai saisie ! C’était l’occasion pour moi de voir la relation très spéciale que le public entretient avec les films ici. Le public du BIFFF n’est pas passif et cela rend l’expérience du festival très amusante.

    Et que pensez-vous de l’ambiance du festival ?

    J’aime beaucoup car c’est très festif ! C’est moins sérieux que d’autres festivals et au fond, le cinéma est un divertissement, un moyen de faire la fêter et de s’amuser. Ici, c’est poussé au maximum mais si le film est mauvais, on peut quand-même s’amuser. Quoiqu’il arrive, on va passer un très bon moment !

    Vous êtes un symbole du cinéma d’horreur espagnol. Pour vous, quelle place occupent les productions de votre pays dans le cinéma de genre ces dernières années ?

    C’est parfois difficile d’évaluer cet aspect de l’intérieur mais j’ai l’impression que nos films sont appréciés en dehors de l’Espagne. Surtout dans des pays comme la France ou le Mexique par exemple. Certains moments charnières ont été importants comme le moment où nous avons sorti [Rec] et El Orfonato de mon ami Juan Antonio Bayona, qui est un grand ami, la même année. Ce moment a été magique car il nous semblait que le cinéma espagnol allait connaître une grande vague. Cela n’a pas été totalement le cas mais nous avons semé quelque chose qui a ouvert de nombreuses portes. Mais il nous manque des films qui soient des fers de lance comme El Dia de la Bestia (ndlr : réalisé par Alex de la Iglesia) l’a été pour nous ou comme [Rec], Los Ojos de Julia et El Orfonato l’ont été pour les plus jeunes. Mais je pense que c’est un bon moment pour que les prochaines générations émergent.

    Nous avons eu un invité spécial au BIFFF : Danny Boyle. Je suppose qu’il est une source d’inspiration pour vous et surtout pour [Rec].

    J’ai vu 28 Jours plus Tard au festival du film de Porto. À l’époque, les films de zombies n’étaient pas très populaires mais inévitablement, ce film nous est resté dans la tête et surtout quand nous avons voulu faire [Rec]. Danny Boyle est un des réalisateurs que je respecte le plus au monde et qui m’inspire le plus. Il a une filmographie très diversifiée mais tous ses films sont de qualité. C’est un grand réalisateur et je ne pense pas qu’il soit reconnu comme il le devrait alors qu’il fait partie des plus grands.

    Pensez-vous que [Rec] ait inspiré d’autres réalisateurs comme 28 Jours plus Tard vous a inspiré ?

    C’est possible et c’est la meilleure chose à laquelle nous pouvons aspirer : faire des films d’horreur et s’amuser en les faisant. C’est l’héritage le plus important pour un réalisateur. C’est vrai que [Rec] a été important pour beaucoup de gens et beaucoup nous écrivent dans ce sens. Certains me disent qu’ils ont commencé à étudier le cinéma quand ils ont vu le film. C’est la plus belle récompense, au-delà des prix, du box-office ou de l’argent.

    Et récemment, vous avez changé totalement de secteur puisque vous avez réalisé un documentaire sur le restaurant basque Mugaritz. Comment faites-vous la transition entre le cinéma d’horreur et le documentaire culinaire ?

    Eh bien essentiellement parce que je suis de plus en plus curieux et que j’aime utiliser le cinéma dans ma vie. Et puis, c’était l’opportunité d’entrer dans un restaurant que j’admire comme Mugaritz qui est, pour moi, un vrai lieu de science-fiction, un endroit spectaculaire, et de passer deux ans avec eux à regarder comment ils développent une proposition gastronomique. Pour moi, c’est peut-être le film le plus important de tous ceux que j’ai réalisés au niveau de la vie. C’est un petit film qui se limite aux festivals de films gastronomiques donc il aura un impact très limité. Mais je mets de plus en plus le cinéma au service de la vie. Quand j’étais plus jeune, je le voyais plutôt comme un but en soi mais je me rapproche de plus en plus de ce que disait John Huston : utiliser le cinéma pour faire des choses que vous avez envie de faire dans votre vie.

    Lors de votre apparition dans Drag Race España, vous avez dit que ce que vous aimiez le plus dans l’émission était que la fantaisie l’emporte sur la réalité. N’est-ce pas aussi le cas dans les films d’horreur ?

    Oui, tout à fait. J’ai beaucoup aimé aller à Drag Race parce que les personnes qui sont dans l’émission ne se déguisent pas vraiment mais se construisent. Le costume c’est une chose mais elles construisent ce qu’elles sont vraiment. J’ai été fasciné par ce monde que je ne connaissais pas beaucoup et c’était très agréable de rencontrer ces filles. Ce sont des personnes qui ont souvent eu des difficultés dans leur vie à cause de l’homophobie et la société les regarde d’une certaine manière. Avec du mépris. Pourtant, elles se construisent ces personnages. Elles sont comme des super-héroïnes imposantes, belles, provocatrices, effrontées. J’adore ça. Et je pense que cela ressemble au cinéma de genre qui vous permet de parler de la réalité d’une manière qui n’est pas ancrée dans les normes du monde. Cela vous permet d’être plus libre et je me suis reconnu dans leur exercice de la liberté.

    Votre dernier film est également une production Netflix. Que pensez-vous du rôle des plateformes dans le cinéma d’aujourd’hui ?

    Elles sont inévitables. J’essaie de garder les bons côtés, c’est-à-dire qu’elles fournissent beaucoup de travail, forment des techniciens et génèrent une stabilité de l’emploi pour de nombreuses personnes, ce qui est formidable. Et en même temps, elles sont un moyen de réaliser le meilleur film possible. Vu mon âge et ma formation, je suis un grand amateur de cinéma dans les salles bien sûr et je vais toujours au cinéma d’ailleurs. Je continue à soutenir le cinéma sur grand écran mais nous devons être conscients qu’il y a une génération qui n’y va pratiquement jamais et qui regarde son contenu sur les plateformes. Et c’est un moyen intéressant de continuer à raconter des histoires et à atteindre un public large. Je pense que leur coexistence est une bonne chose et je ne pense pas que l’un remplacera l’autre. Il y aura moins de produits spécifiques pour le cinéma mais ils continueront à exister. Les plateformes sont aussi plus grand public et je pense que les propositions artistiques qui iront au cinéma pourront se permettre d’être plus risquées et originales.

    Le cinéma d’horreur actuel est lui aussi de plus en plus grand public. Pourra-t-on continuer à l’avenir à faire des films d’horreur qui ne sont pas grand public ?

    Prenez Hereditary par exemple (ndlr : de Ari Aster), ce n’est pas un film grand public mais il est très populaire. Il existe encore un cinéma particulier pour des réalisations comme celles d’Ari Aster ou de Robert Eggers. Le nouveau Nosferatu est un film grand public car il a gagné beaucoup d’argent mais il est spécial. Et parmi les films grand public, il y a aussi des perles. Je suis un grand fan de Smile 2 par exemple. Ce film m’a rendu fou. Ou Talk to Me. Ce film est une merveille. Et c’est du grand public à l’état pur. Je pense qu’il y a du bon à chercher partout et que c’est très snob de regarder les films grand public de haut.

    Olivier Eggermont
    Olivier Eggermont
    Journaliste du Suricate Magazine

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