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    [BIFFF 2025] Interview de Babak Anvari et Ian Henry : « Cloverfield, c’est du grand cinéma ! »

    Babak Anvari, le réalisateur du prochain Cloverfield, était à Bruxelles à l’occasion du BIFFF pour présenter sa dernière réalisation : Hallow Road. L’occasion pour nous de le rencontrer en compagnie de Ian Henry, un des producteurs du film, pour parler de son cinéma, de son parcours et bien sûr de Cloverfield.


    Bonjour Babak Anvari, bonjour Ian Henry. Tout d’abord, j’aimerais avoir votre première impression du BIFFF puisque vous avez assisté à la projection de votre film Hallow Road dans la salle.

    Babak Anvari. Tout d’abord, nous étions tous les deux très excités par cette séance car c’est la plus grande salle dans laquelle nous avons projeté le film jusqu’à présent et comme la salle était pleine c’était encore mieux ! La foule était tellement chaleureuse et même si je ne suis pas chanteur, ils ont réussi à me convaincre de faire une chanson (rires). C’était super. Et quand le film a commencé je ne savais pas à quoi m’attendre vu que c’est la tradition ici que les gens interagissent avec le film. Je n’ai pas compris tout ce que les gens ont dit mais on m’a expliqué une partie après et ça avait l’air bien (rires).

    Ian Henry. Surtout quand la chanson est arrivée dans le film (rires).

    Babak, vous étiez ici pour présenter Hallow Road, votre quatrième long métrage comme réalisateur. Est-ce celui dont vous êtes le plus fier ?

    B.A. Oh c’est une question très difficile. Je ne veux pas être cliché en disant que tous mes films sont comme mes enfants mais je suis vraiment fier de ce film, c’est vrai. J’étais très excité à l’idée de le réaliser et j’ai hâte de le partager avec un public le plus large possible.

    I.H. Moi c’est mon film préféré de tous ceux que tu as faits (rires).

    Comment est venue l’idée de réaliser ce film en huis-clos dans une voiture ?

    I.H. Nous avons d’abord développé le script et la clé était de trouver la bonne équipe pour le mettre en image et le transformer en film. C’est pour cela que nous voulions absolument que Babak fasse le film car dans Under the Shadow notamment il a réussi à développer cette intensité dans un lieu fermé avec cette famille. Nous nous sommes alors dits que si nous pouvions avoir Babak et une bonne distribution, le fait que le film ne se passe que dans une voiture allait devenir un atout et pas un handicap.

    B.A. Pour moi, c’était un défi et j’ai très vite décidé que nous n’allions pas quitter cette voiture. Toute l’intensité du film devait y être concentrée mais ensuite, j’ai dû trouver comment maintenir l’attention du spectateur dans cet espace fermé. C’est assez difficile parce que toute l’action se passe avec Alicia et que nous devions réfléchir à la manière de l’amener sans qu’on la voie. Finalement, rester dans la voiture c’est comme rester dans la psyché anxieuse de ces deux parents. Et comme n’importe qui dans ce type de situation, ils ont leurs angoisses et leur imagination. C’est pour cela que j’ai voulu faire le film en 60mm pour les éléments extérieurs à la voiture. C’est un type de cinéma vérité, presque comme si on regardait les parents traverser cette épreuve et à partir du moment où ils entrent dans la voiture et qu’on passe à travers le pare-brise, on entre dans leur psyché. Ensuite, le film devient de plus en plus expressionniste avec des astuces visuelles et sonores car je voulais aspirer le public dans cet enfer qu’ils vivent. Mais ça m’a vraiment excité de pouvoir faire ce film.

    On voit également la question du changement de perspective entre les deux parents et la remise en question de la même réalité vue par différentes personnes. N’est-ce pas aussi le but des films de genre de remettre en question la réalité ?

    B.A. C’est un très bon point et c’est la raison pour laquelle j’aime l’horreur et les films de genre. Cela permet de jouer avec des métaphores et des allégories sans les rendre trop lourdes. On peut organiser cette perspective en fonction de l’histoire et des situation via le scénario, la musique et tout ce qui constitue le film. C’est la raison pour laquelle j’aime aussi la science-fiction, les contes de fées, les vieux mythes et les thrillers psychologiques. C’est ce qui m’a inspiré pour Hallow Road.

    En parlant d’inspiration, quelle est votre inspiration principale comme réalisateur ?

    B.A. Je regarde tout et n’importe quoi. Des classiques de la vieille école aux films d’auteur, des essais aux blockbusters. J’aime tout, je suis un nerd et un cinéphile. Quand j’ai décidé de devenir cinéaste, j’avais 10 ou 11 ans et je regardais les films de Spielberg et Tim Burton. En vieillissant, j’ai découvert aussi Sydney Lumet et ses thrillers politiques intenses et Michael Haneke qui est un de mes héros avec tout ce qu’il fait sur les dynamiques familiales et la société ou Kubrick. Mais je suis aussi obsédé par John Carpenter et David Cronenberg. Je vais voir ce qui me passionne dans un réalisateur et m’en inspirer pour un film si ça a du sens.

    Ian, comment s’est passée la collaboration avec Babak pour ce film ?

    I.H. Cela a été très facile. Quand Babak a accepté de faire le film et qu’il a ajouté à l’histoire des éléments que je ne vais pas divulguer sinon cela ruinerait le film pour celles et ceux qui ne l’ont pas vu (ils rient) j’ai vite compris qu’il était la bonne personne pour ce film. Il avait totalement compris ce que nous voulions faire et pour moi c’était le plus important. C’était formidable de travailler avec lui et je ne dis pas ça uniquement parce qu’il est là avec moi (ils rient). Je vous donnerai une autre version quand il sera parti (ils rient). Plus sérieusement, le tournage s’est passé dans une très bonne ambiance du début à la fin. L’équipe à Prague et en Irlande a été très professionnelle et ça a été merveilleux. Nous n’avions pas un énorme budget mais tout a très bien fonctionné et nous avons terminé 10 minutes avant la fin du tournage le dernier jour.

    B.A. Nous n’avions pas d’argent à gaspiller donc ça a mis de la tension pour tout le monde mais nous avions des personnes de qualité sur le tournage donc tout s’est bien passé. Et puis, cela a permis de stimuler la créativité car dans un huis-clos, on n’a pas besoin d’un gros budget pour que ça marche. Et puis, il y a la qualité des deux acteurs (ndlr : Rosamund Pike et Matthew Rhys). Ils étaient dans leur bulle avec des écrans autour d’eux et ils avaient vraiment l’impression de conduire la voiture sur cette route. Ils ne pouvaient pas voir l’équipe et je pense que ça les a aidés. Ils étaient isolés et ils devaient jouer leur rôle et le vivaient. Tout cela vient renforcer le mystère dans le film.

    Un mystère, une perspective à la première personne. Tout cela rappelle Cloverfield dont vous allez réaliser le prochain opus.

    B.A. L’industrie du cinéma est un milieu particulier. Tout bouge tout le temps et les choses peuvent aller très vite. On ne sait jamais quel sera le prochain film. Mais de mon côté, je n’ai pas vu Hallow Road comme une préparation pour Cloverfield. Pour chacun de mes films, toute mon attention est portée vers l’histoire que je raconte. Et là, j’étais heureux de raconter cette histoire.

    Quelle place occupe le premier Cloverfield de Matt Reeves dans votre cinéma ?

    B.A. J’adore ce film. C’est probablement u nde mes found footage préféré.  J’adore la façon dont il capture la tension et l’horreur ainsi que le fait que nous sommes sur le terrain avec les gens qui vivent ce qui se passe. C’est ce que j’essayais de faire aussi avec Hallow Road. Pour moi, Cloverfield c’est du grand cinéma.

    Vous avez travaillé pour ce Cloverfield avec JJ Abrams, comment l’avez-vous vécu ?

    B.A. C’est un de mes héros donc c’était génial. J’ai appris beaucoup de choses à son contact !

    Vous avez fui l’Iran il y a quelques années pour devenir finalement le nouveau Golden Boy d’Universal. Quel destin !

    B.A. Je ne suis pas sûr d’être un golden boy mais c’est magnifique en effet. J’ai pris les opportunités comme elles venaient. Venir de cette culture iranienne et l’apporter en occident m’a beaucoup aidé. Marier ces deux cultures me donne une perspective différente que j’utilise aussi dans les histoires que je raconte.

    Gardez-vous un œil sur ce qui se passe en Iran ?

    B.A. Bien sûr. C’est mon pays et je suis de très près ce qui s’y passe. Je vis au Royaume-Uni mais l’Iran, c’est chez moi. Je garde bien sûr un œil attentif sur ce qui s’y passe. Je suis attaché à ce pays et je m’en inspire beaucoup, c’est la source de mon travail.

    Olivier Eggermont
    Olivier Eggermont
    Journaliste du Suricate Magazine

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