Balkan Trafik 2017 : Scarred Hearts, pas si insensible

Scarred Hearts

de Radu Jude

Drame, Biopic

Avec Gabriel Spahiu, Serban Pavlu, Alexandru Dabija

Présenté à Bozar dans le cadre du Balkan Trafik 2017

Scarred Hearts est un drame biographique se situant dans la Roumanie pré-dictatoriale de 1937. Ce film, basé sur la nouvelle du même nom de Max Blecher, raconte l’histoire d’Emmanuel (Lucian Teodor Rus), un jeune roumain juif de bonne famille, souffrant de tuberculose osseuse. Ses parents chargent un sanatorium bordant le rivage de la Mer Noire de s’occuper de leur fils unique, la prunelle de leurs yeux.

Emmanuel est jeune, fougueux, épris de philosophie comme de poésie. Voyant sa colonne vertébrale se dissoudre à petit feu, le médecin (Radu Jude lui-même) lui inflige des traitements douloureux constitués de longues aiguilles, de ponction de pus, de plâtres titanesques et de lits à roulettes. Emmanuel se retrouve plâtré, incapable de bouger, livré à ses pensées.

Ce jeune homme va se débattre à grands renforts de poèmes, de chansons, d’amitiés maladroites et d’amour. Il se fait des amis, tombe amoureux de la belle Solange, une autre patiente, chantonne, lit, écoute de la musique. C’est l’histoire d’une lutte contre la dégradation, physique d’abord et puis mentale, et le sanatorium est le théâtre de ces jeunes qui se débattent avec leur jeunesse et  leur allant contre une fin inéluctable.

Mais tout s’étiole, le sexe est décevant, les discussions de plus en plus abstraites, les ambitions se font la malle, la vie réelle semble s’éloigner de plus en plus. Tous les moyens utilisés par les patients et médecins semblent inutiles contre la maladie autant que contre la montée du fascisme qui gronde, au loin.

Filmé en pellicule, avec ses contraintes, le film se déroule comme une pièce de théâtre, on est toujours lointain des corps, des visages et Radu Jude nous permet d’accéder à leurs émotions en ponctuant son film de poèmes qu’Emmanuel écrit. Poèmes qui nous permettent de les raccrocher à l’Humain, sans quoi, les acteurs finiraient par devenir ce dont ils redoutent le plus : des objets. Ou comme le suggèrent le titre : « Scarred Hearts », un morceau de chair devenu insensible.

A propos Athéna de Callataÿ 4 Articles
Journaliste du Suricate Magazine