[Avignon OFF 2022] Paying for it au théâtre des Doms

Création collective, mise en scène de La Brute, avec Jérôme De Falloise, Raven Ruëll, Anne-Sophie Sterck, Martin Panel, Ninuccia Berthet, Julie Peyrat, Gabriel Bideau, Marion Gebelle, Ninon Borsei, Martin Rouet. Au Théâtre des Doms à 21h30 du 7 au 28 juillet (relâches les 12, 19 et 24 juillet).

Raven Ruëll démarre la pièce par un prologue totalement fou ! Il explique tout le concept de la pièce. Neuf comédiens joueront des travailleurs et travailleuses du sexe et des personnes intervenants dans le cadre de leur métier. Mais avant toute chose, il aimerait revenir sur le statut de comédien. Et voilà qu’il part dans une longue explication démente qui aborde le droit des artistes de la scène et le droit des travailleurs et travailleuses du sexe, en passant par l’étymologie de ces métiers, leurs points communs d’un point de vue historique et même géographique. Il déborde d’énergie, à frôler la spasmophilie à cause de crises existentielles en tant que comédien.

Le prologue terminé, nous pouvons assister au meeting avec ces différents professionnels. Raven Ruëll nous les présente l’un à la suite de l’autre. Elles/ils sont prostituées, dans un bar-champagne, dans leur maison, à la retraite, sur le trottoir, dans les toilettes d’un théâtre. Il y a également un policier, une performeuse et une sociologue qui interviendront. Le premier en décrivant les interventions faites directement sur des femmes amenées d’autres pays. La deuxième parlera de ses démarches artistiques. Et la dernière décrira plus l’aspect associatif et féministe du sujet. Toutes et tous vont nous raconter leurs anecdotes, leur vie au sein de cet univers.

Nous savons pertinemment que ce sont des comédiens et comédiennes, on nous l’a rappelé plusieurs fois. Mais non, impossible. Ces personnes sont bien réelles à nos yeux. Nous voyons des travailleurs et travailleuses du sexe qui nous expliquent en détails leur quotidien. On se surprend à vouloir lever la main pour poser une question, à prendre en compassion l’une ou l’autre par rapport à son vécu et on aimerait même approfondir la discussion après le spectacle. Mais ce sont des comédiens et comédiennes. Leur talent est tellement puissant qu’ils nous font oublier tout ce qui nous entoure. Ce n’est plus un théâtre avec un public et des artistes. C’est une conférence sur un sujet terriblement intéressant et pourtant trop tabou.

Paying for it aborde la thématique des travailleurs et travailleuses du sexe avec une telle intelligence que nous sommes subjugués par la magnificence de cette pièce. Les statistiques apportées nous confrontent à la difficulté du terrain. Les histoires vécues ajoutent du croustillant pour les anecdotes les plus drôles et de la tendresse et une profonde tristesse pour d’autres faits racontés. Gabriel Bideau est tellement convainquant dans son rôle qu’on entendra plusieurs personnes douter sur son statut de comédien. Auraient-ils engagés un vrai transsexuel pour le spectacle ? Ses interventions seront tellement touchantes qu’elles feront venir les larmes et dresser les poils sur la peau.

Cette pièce est tellement riche de savoir, de mystères et de secrets révélés qu’on ne peut que la conseiller à tout le monde. Que nous soyons touchés ou non par le sujet, il nous concerne tous, d’une manière ou d’une autre. Et lorsque les applaudissements retentissent, en standing-ovation, nous clignons des yeux comme pour nous rappeler encore une fois que tous et toutes étaient des comédiens et des comédiennes extraordinairement talentueux/ses.

A propos Christophe Mitrugno 62 Articles
Journaliste du Suricate Magazine