Aeterna, la nouvelle création de la compagnie Opinion Public

© Charlotte Sampermans

Depuis 2010 la Compagnie Opinion Public n’a cessé de nous faire vibrer. Elle revient, cette fois, avec une nouvelle création Aeterna qui se jouera au Théatre Marni du 4 au 8 décembre 2018. Rencontre avec le chorégraphe et danseur Etienne Béchard.


Pouvez-vous nous décrire le spectacle Aeterna en quelques mots ? 

Aeterna va traiter du rapport de l’humain avec l’éternité, du côté éphémère de l’humain et son rapport à cette lumière éternelle. Pour cela, il va traverser plusieurs étapes durant lesquelles il va être confronté à la lumière. Cette grande lumière mais aussi les petites vont être représentatives de notre flamme intérieure, de notre âme. Je pense aussi qu’Aeterna est une pièce qui laisse une liberté d’interprétation, mais on va toujours se raccorder au noyau central qui est la recherche de l’éternité.

En regardant le spectacle, on peut avoir le sentiment que cette lumière vous fascine voire vous obsède…

Oui, on est un peu obsédés par l’éternité, par la mort, par ce qui va se passer après. Notre société fait tout pour vivre le plus longtemps possible, on peut donc dire que l’on est obsédés par l’éternité. Cette lumière la symbolise, on est attirés vers elle et forcément, c’est difficile de l’atteindre.

Vous mettiez de l’humour dans votre spectacle sans pour autant vous éloigner de votre thème…

Oui, c’était lié. La première fois que l’on attrape la lumière, on est content. Cela permet également de mettre de la légèreté dans le spectacle avec les petites anecdotes qui y sont représentées. Cela fait partie du travail de la compagnie d’avoir cette petite dose d’humour.

Pourquoi avoir choisi une scénographie basée sur des murs en carton pliés ? Cela revêt-il une signification particulière ?

C’est surtout le matériau qui y est important. C’était plutôt le carton qui allait symboliser aussi l’obsolescence et le rapport à la lumière. Le carton qui est jetable, mais en même temps on l’utilise dans le spectacle pour en faire des boites, pour enfermer la lumière. Le carton était donc plus à utiliser pour les symboles. Sa mise en forme en recoin nous permettait d’avoir des ouvertures et des dégagements.

Aeterna est une création, mais également une reprise d’Obsolescence (2012). Pourquoi avoir choisi de revenir à cette thématique six ans plus tard ? 

En réalité, cela aurait dû être une reprise. Mais en commençant la reprise, on s’est rendu compte que l’on voulait changer de sujet. On s’est dit que l’on allait changer la pièce parce que depuis 2012, les choses ont changé et nous aussi. Au final, je suis content du résultat. Je suis content que l’on ait choisi de faire une nouvelle pièce plutôt que d’avoir repris une pièce déjà existante. On a vraiment créé un nouveau spectacle tout en s’inspirant de la base du texte d’Obsolescence. On l’a tourné vers des choses qui nous touchent peut-être plus aujourd’hui en tant qu’humains qu’en 2012. On était peut-être encore jeunes aussi dans notre développement artistique. Je pense que le thème était plus enclin à ce que l’on fait aujourd’hui. C’est vrai que c’est tout de même un sujet que l’on aborde souvent dans nos autres spectacles. Dans Obsolescence, de même que dans Post Anima, on aborde l’éternité, le rapport de l’homme à la machine, le transhumanisme. Dans Arcadia, on parle du virtuel. On finit par vivre éternellement dans un monde virtuel. C’est un couple qui finit dans le virtuel pour continuer à s’aimer. Toujours dans l’esprit de s’aimer pour l’éternité. Je pense que ce thème est assez récurrent et que tout le monde se pose beaucoup de questions au sujet de la mort et de l’éternité.

Est-ce que ce questionnement est quelque chose que vous entendez beaucoup autour de vous ?

C’est une thématique universelle. Depuis toujours, les gens cherchent l’éternité. Le spectacle est aussi une manière d’aborder ce sujet spirituel en réconciliant les différents questionnements. C’est un sujet qui sera toujours d’actualité.

Par quelles étapes êtes-vous passés pour construire ce projet ? 

La première étape était surtout de revoir Obsolescence et se dire que finalement, on allait faire autre chose. Comment garder un fond d’Obsolescence, vu que le spectacle était annoncé comme une suite de ce dernier, tout en créant une autre pièce ? Ensuite, nous avons trouvé notre thématique, notre scénographie et notre concept… Et à partir de là, on avait posé un cadre. C’est souvent ma manière de fonctionner : trouver l’idée de fond et puis dans quel bocal on va la mettre. A la fin, on construit morceau par morceau. On développe les pièces, on crée du matériel chorégraphique qui ne sera pas forcément tout de suite utilisé, mais que l’on va garder pour peut-être l’utiliser plus tard. C’est vraiment un travail d’assemblage jusqu’à arriver à quelque chose d’uniforme. {…} Dans ce genre de pièce, la technique est super importante. Elle est tellement basée sur la lumière qu’il fallait mettre en scène la pièce en imaginant déjà son utilisation. Ce sont des choses qu’il faut anticiper.

Combien de temps cela prend-t-il pour créer ce genre de spectacle ? 

Pour celle-ci, en condensé, je dirais environ quatre mois. Quand on se retrouve tous ensemble, cela prend trois à quatre mois en sachant que le dernier mois et demi, on est vraiment à 100%. C’est intensif chaque jour. On rajoute encore des choses pendant ce dernier mois… on en a encore rajouté aujourd’hui d’ailleurs… et on en changera encore demain selon ce qui a fonctionné ou non.

Vous êtes une compagnie qui aborde des sujets d’actualité. Avez-vous déjà eu des spectateurs qui vous faisaient des retours de l’impact que cela avait eu sur eux ? 

Je n’ai pas la prétention de dire que cela a changé radicalement le public, mais des personnes m’ont déjà dit que les sujets les touchaient. Ils se sentaient en phase avec ce qu’on leur montrait. Certains m’ont déjà dit que cela leur faisait du bien d’entendre parler de ce genre de sujets sans pour autant tomber dans quelque chose de moralisateur. On reste dans l’échange et c’est important de rester dans cette optique. On donne une opinion, mais chacun en fait ce qu’il veut.

L’esprit de la compagnie est-il toujours resté le même ou a-t-il changé ? 

Il a toujours été dans cette optique. Maintenant, je pense qu’il a muri. Quand on a débuté, j’avais 22 ans ; maintenant j’en ai 31 et je suis père. Il y a des choses qui ont changé dans nos vies, mais on a gardé la fougue de nos 20 ans et notre amitié surtout.

Quels sont vos projets pour la suite ? Souhaiteriez-vous approfondir un sujet ou créer quelque chose de totalement nouveau ? 

On aimerait aborder un nouveau thème, celui de la solitude dans plusieurs étapes de la vie. C’est encore un projet, ce sera pour la saison prochaine. Questionner la manière dont notre société nous amène à cette solitude. On croit partager beaucoup de choses via les réseaux sociaux, mais il n’y a jamais eu autant de solitude qu’aujourd’hui.

Aeterna de la compagnie Opinion Public sera présenté du mardi 4 au samedi 8 décembre à 20h au Marni.