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    Le mage du Kremlin : trucs et astuces pour gouverner un grand empire

    Accueil original, dynamique et chaleureux d’Isidor et Ferdinand, citoyens lambda nés au milieu des années 1970 et lecteurs assidus du roman de Giuliano da Empoli, Le Mage du Kremlin. Enthousiasmés par le récit, ils ont décidé de le partager… mais à leur manière. Changeant constamment de rôles, ils offrent un condensé des moments forts du livre, examinant le pouvoir sous toutes ses formes et les moyens d’y accéder. Imitant Orson Welles répondant à une journaliste qui doutait de la véracité de son récit, l’un d’eux s’adresse au public : « Que préférez-vous, la vérité ou une belle histoire ? » Ce sera la belle histoire, évidemment.

    L’idée est donc d’éclairer les enjeux de la politique russe, menée par Poutine et ses prédécesseurs, à travers le récit d’un proche collaborateur, Vadim Baranov, surnommé « le mage du Kremlin ». Ce personnage est fictif, mais Giuliano da Empoli s’est inspiré de l’« éminence grise » de Vladimir Poutine, Vladislav Sourkov, pour construire son roman. Le but est de comprendre plutôt que de juger : « les rationalités sont différentes ». Ce qui rend le roman – terminé au printemps 2021 – particulièrement intéressant, c’est qu’il a été écrit avant l’invasion de l’Ukraine (février 2022), et que l’auteur s’est révélé visionnaire.

    Baranov, sorte de « nouveau Raspoutine », a eu une influence considérable sur le Kremlin. Conseiller du Tsar pendant une quinzaine d’années, il a notoirement contribué à l’édification du pouvoir de ses dirigeants. Un jour, sa démission est annoncée et il disparaît. Pourtant, en 2021, il croise la route d’un journaliste à qui il se confie durant une nuit entière.

    Parmi les épisodes marquants qu’il évoque, figure notamment la rencontre entre Clinton et Eltsine à New York, symbole des débuts chaotiques de la Russie post-soviétique. Le règne du « vieil ours » est ensuite revisité à travers diverses anecdotes. Les événements marquants du XXe siècle sont passés en revue – pas forcément dans l’ordre chronologique – de Staline à la bombe nucléaire, en passant par la création de l’OTAN et le début de la guerre froide.

    Itsik Elbaz et Frederik Haùgness proposent un spectacle à la fois drôle, documentaire et philosophique. Comme ils le soulignent eux-mêmes en introduction, ils jonglent avec une multitude de rôles, d’événements et d’époques, ce qui ne simplifie pas la tâche du spectateur : « Ce soir, vous allez entendre une kyrielle de noms… peut-être que vous allez les retenir, peut-être pas, mais ce n’est pas grave. » Pourtant, au vu de la densité du roman, des choix ont dû être faits : sélectionner, éliminer, synthétiser (adaptation de Frederik Haùgness). Le spectacle se concentre ainsi sur les aspects politiques, laissant de côté la dimension plus intime de la vie de Baranov. Il faut donc s’accrocher – voire même accepter de ne pas tout suivre ni tout comprendre – car le rythme est soutenu. Mais, « ce n’est pas grave » : cela reste un moment de théâtre captivant, porté par deux comédiens au sommet de leur forme.

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    D'après le roman de Giuliano da EmpoliDe et avec Itsik Elbaz et Frederik HaùgnessDu 9 mai au 22 juin 2025Au Théâtre Le Public Accueil original, dynamique et chaleureux d’Isidor et Ferdinand, citoyens lambda nés au milieu des années 1970 et lecteurs assidus du roman de Giuliano da Empoli, Le Mage du...Le mage du Kremlin : trucs et astuces pour gouverner un grand empire