De Yasmine Reza
Mise en scène de Michel Kacenelenbogen
Avec Isabelle Defossé, Stéphane Fenocchi, Antoine Guillaume, Marie-Paule Kumps, Lucas Monton
Du 8 mai au 22 juin 2025
Au Théâtre Le Public
« Wow, c’est beau », a chuchoté le public dans un souffle en découvrant la scénographie. Mais la beauté c’est subjectif, non ? Tout comme le rapport au corps, au genre et aux différences. Ça, Céline nous l’a bien fait comprendre.
Une chanson, une chanson !
Céline, c’est Jacob Hutner et Jacob Hutner, c’est Céline Dion. Céline Dion, cette star planétaire aux millions de fans à travers le monde, est prise en charge dans une maison de repos. Accompagnée par sa psychiatre et son ami Philippe, jeune homme blanc qui se considère noir, Céline vit dans une sorte de rêve conscient. Ses désirs les plus fous prennent forme rien qu’en les énonçant, comme lorsqu’elle se prépare à démarrer une tournée de concerts en Amérique du Sud dans sa chambre. Difficile de garder son sérieux surtout quand Céline laisse échapper un accent québécois oublié, comme un vestige de son enfance imaginée au cœur de la Belle Province.
Ses parents désemparés, tout aussi drôles, rêvent quant à eux de retrouver leur fils, alors même qu’il se tient là debout à quelques mètres, perruque blonde sur la tête et faux micro entre les mains. En eux se mélangent la tristesse, l’incompréhension et la colère. Lucien et Pascaline n’ont d’ailleurs pas très envie d’appeler leur enfant Céline, tout comme cette dernière n’a plus très envie de les appeler « papa et maman ».
Trouver sa place
La mise en scène glorifie le récit de Yasmina Reza et met en lumière un savant jeu de langage, mené par des acteurs talentueux. Au fond, le propos est difficile et aborde des sujets existentiels actuels. Mais l’absurdité de la situation, la musique de suspense entre les scènes et les parents qui font bonne figure en public, offrent une perspective encore plus intéressante.
Avec finesse, on parle de ces personnes dont on a nié l’identité comme les sœurs de Cendrillon des Frères Grimm et comme Céline, droite dans ses bottes à talons aiguilles pailletées, observée dubitativement par ses parents.
Chaque personnage, le père, la mère, la psychiatre, Céline et Philippe, contribue à ce jeu humoristique et cinglant. Chacun à sa manière illustre la difficulté de trouver sa place dans la société, que ce soit en chef de famille, en mère aimante ou en experte du self-control.
Mettre les costumes d’autres sur soi
Niché dans un paysage verdoyant, bercé de lumières chaudes et colorées, James Brown mettait des bigoudis finit de nous séduire par son décor presque onirique, où transparaissent toutes les émotions et les regards. Dans cette pièce aux accents de comédie musicale, « On ne change pas » de la célèbre chanteuse québécoise finit par être interprété comme une évidence et l’on ne sait plus si l’on doit rire ou pleurer. La fin surprenante, bien loin des contes de fées, marque une prise de conscience poignante et silencieuse, alors que le public réclame une dernière chanson.