D’Axel De Booseré et Maggy Jacot
D’après l’œuvre d’Evgueni Schwartz, adaptée par Benno Besson, revue par Mireille Bailly
Avec Mireille Bailly, Julien Besure, Karen De Paduwa, Fabian Finkels, Thierry Janssen, Othmane Moumen, Marvin Schlick, Elsa Tarlton
Du 1 au 31 mai 2025
Au Théâtre royal du Parc
Un spectacle déjanté aux décors extravagants : voilà ce qui vous attend en assistant au nouveau spectacle du Théâtre du Parc. Inspirée d’un conte satirique d’Evgueni Schwartz datant de 1943, Le Dragon met en scène un petit village menacé par un dragon à trois têtes. Un chevalier errant, Lancelot (Marvin Schlick), est prêt à défier le monstre pour les beaux yeux d’Elsa (Elsa Tarlton), la prochaine offrande promise à la bête. Dans ce village, on croise aussi le bourgmestre (Othmane Moumen), personnage peu recommandable, et un chat doté de la parole (Julien Besure), qui partage certains secrets bien gardés. Esthétique, humour et extravagance sont au rendez-vous dans ce spectacle à double lecture, car derrière la fable se cache une dénonciation du nazisme et du totalitarisme stalinien.
Lancelot, notre chevalier errant, s’introduit dans une demeure inconnue où il fait la connaissance de Marinette, le chat de la maison, loyal et très attaché à ses maîtres. Selon l’animal, « un grand malheur les menace » : en effet, la fille de la maison est promise en offrande au dragon, qui règne sur la ville depuis 400 ans. Les habitants sont donc sous l’emprise d’un tyran depuis quatre siècles et habitués à courber l’échine. Lorsque la mère et la fille apparaissent, Lancelot tombe instantanément sous le charme de la jeune pucelle.
Courageusement, Lancelot – symbole de la résistance – décide d’affronter le dragon (Fabian Finkels), incarnation du totalitarisme. Le combat est proposé immédiatement par le monstre, mais la mère d’Elsa (Mireille Bailly) rappelle la règle : le chevalier doit pouvoir vivre dans la ville avant de choisir le moment de l’affrontement. Confiant, Lancelot promet : « Je veux libérer votre ville, je vais vous apporter le salut. » Cependant, le bourgmestre n’a aucun intérêt à voir le dragon vaincu : il collabore avec le monstre pour maintenir son pouvoir – un véritable « collabo » d’un régime totalitaire.
Après l’entracte, le combat commence. La scène ne pouvant contenir un gigantesque dragon, c’est à travers le comportement des habitants que ce combat terrifiant prend forme. On n’en dévoilera pas l’issue ici…
Que penser de ce spectacle ? Les décors et les costumes créent une ambiance singulière, mêlant diverses inspirations, comme celle de l’expressionnisme allemand. Le dragon, par exemple, apparaît sous différentes formes, toutes plus inquiétantes les unes que les autres. Écrite pendant la Seconde Guerre mondiale, la pièce faisait allusion de manière explicite au nazisme, et de façon plus voilée au stalinisme – ce qui lui valut d’être interdite en URSS. Dans cette relecture signée Maggy Jacot et Axel De Booseré, le spectateur non averti percevra-t-il le message originel ? L’humour pourrait prendre le dessus sur le drame. D’autre part, l’une des idées majeures de l’œuvre de Schwartz est que la tyrannie perdure après la chute de son maître, en raison de l’inertie des comportements et des réflexes de soumission. Ce message semble moins présent dans cette version du récit. Qu’importe, sans doute : c’est un agréable moment de théâtre, avec des acteurs au sommet, de l’humour, de belles réparties et des costumes spectaculaires. Que demander de plus ?