
28 ans plus tard
Réalisateur : Danny Boyle
Genre : Epouvante-horreur, Thriller
Acteurs et actrices : Aaron Taylor-Johnson, Jodie Comer, Alfie Williams
Nationalité : Grande-Bretagne
Date de sortie : 18 juin 2025
Une île, des survivants, une utopie fragile : 28 ans plus tard questionne notre rapport au monde économique et social, aux vivants et à leurs bouleversements, à l’amour et à la mort.
Les fans l’attendaient, et les néophytes seront sans aucun doute charmés par le génialissime touche-à-tout Danny Boyle. Dans ce troisième volet de la saga 28 et des…, nous suivons des survivants de la terrible épidémie zombifique qui ravagea l’île de Grande-Bretagne au début des années 2000 – portée à l’époque par un déjà grand Cillian Murphy. Ici, le décor est planté : isolés sur un petit îlot, accessible uniquement à marée basse, les rescapés ont bâti une communauté qui se veut autonome, voire utopique, détachée du monde d’avant. Durant presque deux heures, Boyle nous livre avant tout une histoire des vivants, où l’apocalypse, bien que maîtresse de cérémonie, cède la place à la philanthropie. La nature écossaise est sublimée, l’histoire familiale se mêle à la survie, la technologie dialogue avec les archives documentaires.
Une utopie née de l’autarcie
Dans cet univers coupé du monde moderne, Boyle peint le portrait d’une communauté autarcique, libérée des contraintes économiques et technologiques du passé. Le capitalisme s’est effondré, laissant place à une renaissance du savoir-faire et du savoir-être, fondée sur l’entraide, la low-tech et le « do it yourself ». L’île est à la fois un havre et un bastion, une humanité précarisée mais survivante. Les habitants cultivent leur nourriture, apprennent à vivre en communauté, fabriquent outils et armes. N’est-il pas plus logique de combattre les zombies à distance, avec des arcs et des flèches, plutôt que dans un corps-à-corps suicidaire ? N’est-il pas plus logique que le cœur soit aussi sensible que la tête ? N’est-il pas plus logique que ces créatures puissent servir un propos réfléchi, malgré leur enracinement dans l’imagerie du genre ? Mais restons encore un instant sur cette frontière sensible où les morts servent une humanité cloîtrée qui s’autorise la beauté.
L’humain au cœur du récit
Si les zombies sont là, ils ne sont qu’un prétexte : une toile de fond pour quelques montées d’angoisse, des photoshoots sanguinolents et un gore bienvenu. Les rapides, les lents, les géants sous stéroïdes — appelés Berserk ou Alpha — alimentent le spectacle, mais le véritable enjeu du film est ailleurs. Boyle, fidèle à son approche, traite l’apocalypse comme un décor, et non comme un sujet central. Ce qui l’intéresse, ce ne sont pas les monstres, mais ce que devient l’humanité lorsqu’elle est forcée de tout recommencer. Les défis intrinsèques à la relation parents-enfants sont au cœur du récit : apprentissage, vérité, indépendance sont les angles sculptés. C’est dans ce microcosme que grandit Spyke, 12 ans, qui s’émancipe au fil du récit par sa découverte du continent, ses premières flèches décochées et sa compréhension des adultes.
Spyke, un adolescent en quête
Il y a ceux qui ne grandissent jamais, ceux qui grandissent trop vite, et puis il y a Spyke : celui qui grandit d’un coup. Une flèche décochée dans sa première proie, la prise de conscience qu’un être cher va disparaître. Ce n’est pas une poussée de croissance, c’est un escalier gravé en quatre par quatre : sans le vouloir, Spyke dévore les marches de l’inconscient et du naïf pour se retrouver face à une vérité qu’il ne pourra plus réfuter. Le dégoût d’un père idolâtré le pousse, le rejet de voir sa mère partir le force. Drame humain tissé par le conflit affectif d’un adolescent en quête. Car oui, c’est une quête bercée d’idéologie, de rêve, de découverte et d’apprentissage.
La compréhension du commun
Boyle ne se contente jamais de livrer une mise en scène classique : chaque son, chaque image semble avoir été sélectionné avec une logique qui échappe au premier regard, mais qui finit par imprégner le spectateur d’une atmosphère unique. Cette étrangeté visuelle et sonore crée une expérience sensorielle intense, où les images granuleuses, les infra-rouges, les insertions d’archives et les compositions sonores expérimentales donnent au film une texture singulière. Ce qui pourrait passer pour un chaos esthétique devient une force narrative, ancrant l’histoire dans une dimension presque documentaire, comme si l’on découvrait un fragment de réalité brute et dystopique. Loin d’être une simple démonstration de style, cette étrangeté sert le propos du film, accentuant l’idée d’un monde reconstruit à partir des restes de l’ancien, où chaque élément semble à la fois nouveau et réapproprié.
Une œuvre qui dépasse le genre
Un drame humain où l’horreur côtoie l’émotion pure. Boyle prouve une fois de plus que derrière le chaos, c’est toujours l’humanité qui reste la plus fascinante à observer. Sans tomber dans la surenchère émotionnelle artificielle, il se joue d’un équilibre délicat : il ne cherche pas à tirer des larmes, seulement à révéler la vérité brute des relations humaines. Loin des clichés du genre, 28 ans plus tard joue sur une subtilité rare, où l’émotion surgit sans avoir besoin d’être théâtralisée. Et c’est précisément là que Boyle décoche sa flèche — et vient nous toucher au cœur.