Zombillénium, morts et en terril

Zombillénium

d’Arthur de Pins et Alexis Ducord

Animation, Comédie, Aventure

Avec les voix d’Emmanuel Curtil, Kelly Marot, Alexis Tomassian

Sorti le 18 octobre 2017

Dans le parc d’attractions d’épouvante Zombillénium, les zombies, vampires, loups garous et autres démons sont de vrais monstres dont l’âme appartient au Diable à jamais. Ils sont fatigués de leur job, surtout quand celui-ci est parti pour durer une éternité. À l’arrivée d’Hector, un humain, contrôleur des normes de sécurité, déterminé à fermer l’établissement, Francis, le vampire qui dirige le parc, n’a pas le choix : il doit le mordre pour préserver leur secret. Séparé de sa fille Lucie, et coincé dans le parc, Hector va devoir s’y faire, il est devenu un monstre.

Tiré de la bande dessinée éponyme d’Arthur De Pins, Zombillénium est par là même très attendu. Et l’on est pas déçu. Les auteurs, Arthur De Pins et Alexis Ducord, nous emmènent à travers ce film d’animation dans un univers à la fois particulier et familier. Originaire du nord de la France, le créateur plante le décor dans le cadre d’un petit village de cette région fortement touchée par la crise industrielle où une ancienne mine a été reconvertie en un mystérieux parc d’attractions.

Le scénario nous offre deux lectures. Tout d’abord, les aventures d’un humain qui se retrouve du jour au lendemain dans l’univers des monstres, où vampires bellâtres et zombies repoussants se livrent une guerre sans merci pour le contrôle du parc d’attractions. Mais il nous gratifie aussi d’une critique à peine voilée de la société moderne. Notamment à travers le personnage principal, un fonctionnaire inspecteur de conformité, frustré par la vie, délaissant sa fille, dans une région où le travail manque. Sa frustration, il la soigne en abusant de son pouvoir. Ainsi, comme une punition divine, ce dernier s’attaque à la mauvaise entreprise et son acharnement le mènera à la mort. Il devient un monstre et voit sa vie totalement démolie au sens propre comme au figuré.

Dans tout le déroulement du récit, les vampires veulent le pouvoir car ils sont beaux, célèbres et artificiels. Pour cela, ils sont prêts à écraser les autres monstres et les envoyer littéralement en enfer, attitude symptomatique du narcissisme et de l’ultra libéralisme qui empoisonnent la société actuelle. La résistance s’organise, servie par des personnages originaux et hauts en couleur, comme le syndicaliste-squelette-ancien-militant-des-droits-civiques-américain ou la sorcière-teenager-gothique qui fait du skate balais. Tout cela en fait une aventure à la fois humaine et fantastique et l’on s’identifie aisément à ces monstres attachants dans une empathie exaltante.

L’autre aspect qui rend ce film assez jouissif est le nombre de références que l’on y trouve. D’ailleurs, celles-ci sont inscrites non seulement dans le récit mais aussi et surtout dans les décors, les costumes et même la musique. Lors d’une scène assez mythique où les zombies lèvent le poing en signe de protestation, l’Internationale est remplacée par une musique que les gens du nord reconnaitront dès les premières mesures.

Seule ombre au tableau, une chanson un peu longue, un peu trop en anglais et un peu trop metal pop gnian-gnian qui arrive comme un cheveu sur la soupe dans le récit. Mais son insignifiance et l’enchaînement haletant des événements nous la fait très vite oublier et l’on ressort de la projection avec un sourire apaisé.

Grâce à la qualité de ses animations et de son scénario, Zombillénium n’a rien à envier aux productions Pixar ou Disney. On peut d’ailleurs facilement mettre ce film dans la catégorie des « feel good movie » engagés, loin des films sociaux misérabilistes pour petits bourgeois en mal d’empathie.

A propos Bruno Pons 45 Articles
Journaliste du Suricate Magazine