Zidrou et Darasse nous parlent de Tamara

A l’occasion de la sortie du film Tamara, nous avons rencontré Zidrou et Darasse, scénariste et dessinateur de la bande-dessinée éponyme. Tamara, cette grosse, et c’est peu dire, figure du journal de Spirou, se voit, en effet, pour la première fois, adaptée au cinéma. Née en 2001, Tamara cible particulièrement un jeune public féminin qui, il y a encore quelques dizaines d’années, ne se sentait pas forcément concerné par le neuvième art. La particularité de Tamara c’est, qu’en plus donc de s’adresser aux adolescentes, elle transmet un message philanthropique puisqu’elle met en scène les aventures d’une ado mal dans sa peau, et même plutôt, mal dans ses bourrelets.

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Comment vous est venue l’idée du personnage de Tamara ?

Z : Contrairement à ce que les apparences pourraient laisser croire, il fut un temps j’étais une femme et j’étais grosse. Après avoir changé d’apparence et après être devenu beau, jeune et mince, j’eus l’idée de raconter ce par quoi j’étais passée étant adolescente. Sans rire, je pense que, dramatiquement, quelqu’un qui est moche ou quelqu’un qui est gros, par exemple, est toujours plus intéressant pour un scénariste que quelqu’un qui est bien dans sa peau. C’est ainsi que l’idée m’est venue. J’ai alors proposé le scénario d’une première histoire à Christian Darasse avec qui j’avais déjà réalisé de petits projets pour Spirou.

Il y a donc un véritable message qui est transmis à travers le personnage de Tamara ?

Z : Oui tout-à-fait. Toutes mes bande-dessinées sont des bande-dessinées engagées. Je suis d’ailleurs bien tombé avec Christian car nous partageons les mêmes engagements. C’est donc un message de tolérance que nous avons voulu promulguer et qui est destiné au monde moderne, ce monde bigarré où filles et garçons ont la même place quel que soit leur origine, leur couleur de peau, leur apparence…

Au départ vous étiez deux sur le projet, maintenant vous êtes quatre avec Lou et Bosse, pouvez-vous nous parler de cette collaboration ?

D : Nous avons été quatre mais, ça, c’est le maximum. D’abord, nous avons commencé à travailler avec Bosse il y a quelques années. En fait, j’étais en avance sur le tome 6 que les éditeurs avaient décidés de faire paraître durant le mois de Septembre, ce qui m’étonnait d’ailleurs beaucoup puisque la bande-dessinée se passait à la plage. Bref, les éditeurs ont changé d’avis et ils ont décidés de la sortir en juin et ne m’ont prévenu que deux ou trois semaines avant la nouvelle date de parution. De deux mois en avance je me retrouvais deux mois en retard. J’ai alors demandé à mon ami Bosse s’il pouvait m’aider car je devais faire treize pages en quinze jours, ce qui risquait d’être difficile pour moi tout seul. Il a accepté. C’est alors que l’éditeur m’a dit : « Mais en fait ça va beaucoup plus vite quand vous travaillez à deux ! ». C’est ainsi que nous avons commencé notre collaboration !

Z : Et maintenant, comme il nous faut amener du sang frais, et que l’essentiel dans le renouvellement passe d’abord par le scénario, Louise va hériter de 83 kg et 400 g de complexes, de caractères, de tout. C’est, en effet, elle qui va scénariser Tamara à partir du tome 16.

D : Mais Louise nous conseillait déjà avant . Alors qu’on allait commencer, avec le tome 7, un truc que nous n’avions jamais fait, à savoir les rapports entre ados, nous lui avions demandé si elle voulait bien un peu raconter ce qu’elle imaginait.

A ce propos, on peut observer une véritable césure entre ce qui a été fait avant le tome 7, à savoir des gags relativement indépendants les uns des autres et qui mettaient en scène une jeune ado célibataire, et ce qui a été fait après, marqué par une certaine forme de continuité due à l’apparition de Diego et, comme vous le dites, des premiers rapports entre ados. Pourquoi ?

Z : Premièrement il faut prendre en compte l’évolution de la bande-dessinée. Nous avions envie de faire mûrir un peu la série, de sortir d’un espèce de carcan de bande-dessinée qu’on appelle la franco-belge et qui se caractérise par une série de petits gags gentillets. Et puis nous avions aussi envie d’être plus en rapport avec la modernité. Le problème quand on fait de la bande dessinée, comme tous les métiers d’art d’ailleurs, c’est qu’à force de faire toujours la même chose, on se sclérose. Il n’y a rien de pire pour un artiste que de se scléroser. Et donc en se mettant des défis, on se réinvente. En se mettant en danger, on a plus de chance de progresser.

Par rapport au film plus particulièrement, si Alexandre Castagnetti s’est fort inspiré du tome 7, il a également manifesté le désir d’y apporter sa touche personnelle, quelles en sont vos impressions ? 

D : Moi je suis conquis, j’ai adoré. Je ne peux pas être plus comblé. Je me souviens il nous avait apporté un scénario à lire. Un scénario, ça, moi je connais ! J’en ai déjà lu, ceux de Zidrou notamment, mais, là, c’était très différent car c’était un scénario pour le cinéma. Je n’arrivais donc pas à imaginer ce que cela allait donner. Et j’étais vraiment sur le cul en voyant le résultat.

Z : Moi je dis toujours l’essentiel c’est l’expérience humaine, puis l’expérience artistique. C’est pareil, d’ailleurs, en bande-dessinée. Humainement ce film est une très belle expérience et artistiquement je trouve qu’il est super bien réussi. C’est un film qui donne envie d’être de nouveau adolescent. C’est un peu comme quand vous allez voir un très bon film pour enfants et vous vous dites « J’aurais vraiment voulu le voir à huit ans ». Et si le film plait au public ou non, cela ne dépend pas de nous, mais ça à l’air de bien se passer pour l’instant, même au-delà de nos espérances. Et quelque part, peu importe, je préfère une belle expérience humaine qu’un succès commercial et ici on a les deux! Bref, pour nous, c’est une réussite. Il y a des échecs en adaptation de bande-dessinée mais, dans ce cas-ci, ce n’en est pas un.

D : Ce qui m’a frappé et dont je n’ai pas encore parlé, c’est que ce film existe même si on ne connaît pas Tamara. Et du coup tout le monde peut découvrir cette histoire et très bien la comprendre sans connaître la bande-dessinée et ça c’est une réussite totale : cela signifie qu’il a réussi à ne pas rester dans un carcan. Et malgré tout, il y a une part de fidélité aussi : Tamara c’est vraiment Tamara ! Quand je l’ai vue, je n’en revenais pas.

En parlant du casting, nombreuses critiques sont adressées à Alexandre Castagnetti pour avoir choisi une actrice trop mince à qui il aurait fait prendre 12 kilos…

Z : Le cinéma ce n’est pas de la bande-dessinée ! Il y a des codes en bande-dessinée. Quand on traduit la grosseur en bande-dessinée, on n’est pas dans la nuance et la subtilité : On est OBELIX, on est TAMARA. Ce sont des boules ! Quand on fait de la bande-dessinée on est dans la caricature, c’est pourquoi il nous faut toujours tricher : c’est un art de la tricherie, en fait. En ce qui concerne le cinéma ce ne sont pas les mêmes codes. Par exemple, je trouve que Jimmy joue très bien Wagner, mais s’il le jouait de manière aussi caricaturale que dans la bande-dessinée ce serait juste insupportable, répugnant. Concernant Héloïse, elle a juste la fragilité et la force nécessaire pour interpréter Tamara.

D : En plus, Héloïse est une bonne actrice, il vaut mieux une bonne actrice qui ne pèse pas exactement 350 kg qu’une personne qui ne sait pas jouer mais qui est bien ronde ! Après, c’est vrai que certains personnages ressemblent moins aux personnages, comme Diego qui, dans la bande dessinée, a des cheveux longs et un gros nez. D’ailleurs Rayane m’a raconté qu’on lui avait fait essayer des perruques pour voir si on pouvait un peu le « diegoïser ». D’ailleurs Wagner, comme Zidrou disait, ne ressemble pas à Wagner non plus. Mais il faut garder les personnes. On s’en fout du moment qu’ils jouent bien et qu’ils gardent l’esprit.

Vous avez profité de cet événement pour sortir un nouvel album : La revanche d’une ronde. Cet album est-il indépendant de la série déjà existante ?

Z : Oui et non c’est une sorte de best-off. On pensait d’abord sortir l’album 15 mais un problème se posait : il y a pleins de choses qui ont évoluées dans la bande-dessinée et qui sont différentes par rapport au film. On ne pouvait donc pas se le permettre vis-à-vis des gens qui allaient découvrir la série via le film. Nous avons donc proposé à l’éditeur, qui a embrayé tout de suite d’ailleurs, de faire un best-off avec un dossier. La nouveauté viendra alors en février car cela raconte autre chose.

Bien que nos avis concernant le film soient quelque peu divergents, Tamara reste un personnage phare de la bande-dessinée pour adolescentes en Belgique et ses auteurs des personnes très entières.

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