Waste Land de Pieter Van Hees

waste land affiche

Waste Land

de Pieter Van Hees

Thriller

Avec Jérémie Renier, Natali Broods, Peter Van den Begin, Peter Van den Eede, François Beukelaers

Sorti le 26 novembre 2014

Diffusé cette année au Festival du Film de Toronto et au Film Fest Gent la même année, Waste land clôt la trilogie thématique « Anatomie de l’amour et de la douleur » de Pieter Van Hees, déjà composée de Linkerover (2008) et Dirty Mind (2009).

Inspecteur de la brigade criminelle, Léo Woeste travaille chaque jour dans les bas-fonds bruxellois. Un jour, une enquête sur un homicide le mène dans le quartier de Matongé à la recherche de « Géant », un contrebandier de statues africaines. Déjà éprouvé par son métier, Léo perd peu à peu pied dans cette affaire et la grossesse de sa femme, promesse d’une autre vie, finit par raviver ses obsessions.

Ce troisième long-métrage de Pieter Van Hees est un « echte » film belge. Outre l’équipe made in plat pays, le film a le sens barthien de l’effet de réel : ça fait la fête au son du grand Jojo et au goulot de la Vedett, et ça « babbele » indistinctement en français et en flamand. À ce propos, même s’il révèle beaucoup aimer le cinéma flamand, Jérémie Renier précise dans une interview accordée à Cinergie : « J’ai envie de plus en plus qu’on ne dise pas cinéma flamand, wallon, bruxellois, mais qu’on dise cinéma belge, qu’il y ait un tout ». Il enchaîne à propos de Waste Land : « Qu’on puisse faire un film ensemble, […] enfin ! ».

Plus souvent associé aux Dardenne, Renier n’avait en effet plus tourné de film « bruxellois bruxellois » depuis Dikkenek (2006). Mais malgré le terrain de jeu commun, le personnage de Léo est à des kilomètres de Greg, « le playboy malchanceux » (dixit Wiki). Renier incarne ici un personnage sombre, miné de l’intérieur par un travail éprouvant et un malaise existentiel. Emporté par un élan morbide, il renforce sa propre descente aux enfers à mesure qu’évolue la grossesse de sa femme, jouée par Natali Broods (La merditude des choses, Anyway the wind blows). Alors que ce futur rôle de père devrait être un espoir de renouveau, il écrase plutôt Léo sous ses propres origines. Son père, un ancien policier atteint d’Alzheimer, continue de lui inculquer sa morale fière et dure, condamnant ainsi Léo à subir son influence en silence, à rester l’infans, celui qui est incapable de parler. En plus d’être dominé par ce surmoi, Léo traine également une étrange légende familiale faisant de lui le descendant bâtard de Léopold II, le roi colonisateur du Congo.

À la recherche de « Géant », Léo traîne dans le quartier de Matongé avec la sœur de la victime, Aysha, incarnée par Babetida Sadjo, avec qui il entretient avec elle une relation ambiguë. Paradoxalement, à mesure que l’enquête progresse ou, justement, ne progresse pas, elle passe au second plan et l’on finit par assister à la lutte d’un homme contre ses pulsions destructrices.

Waste land repose sur une atmosphère pesante entre la réalité et l’onirisme où se dissout le scénario. Le quotidien de la crim’, le naufrage psychologique de Léo et la fièvre de l’Afrique associés à un passé colonial sulfureux forment un ensemble diffus et étouffant. En mimant son personnage principal, l’histoire tourne sur elle-même et s’enfonce jusqu’à une voie sans issue, laissant le spectateur déçu au milieu d’un Bruxelles glauque. Malgré la belle performance des acteurs, le voyage est donc plus déprimant que réussi.

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