Une brève histoire de tous les livres paru en novembre chez Actes Sud

auteur : Lucien X. Polastron
éditions : Actes Sud
date de sortie : novembre 2014
genre : Essai

A l’heure où le livre connaît une des révolutions les plus importantes de son histoire, Lucien Polastron revient sur le parcours particulier qu’a connu le support de l’écrit en dressant un tableau un peu noir de l’avenir des livres et de ce qu’ils contiennent.

Dès lors que le support figea le texte qui, à l’heure de la transmission orale, était en mutation permanente, le « matériau » de lecture n’a pas cessé d’évoluer et d’influencer son contenu. Tel est le postulat de base d’Une brève histoire de tous les livres : au-delà de l’aspect proprement historique et anecdotique qu’on pourrait prêter au livre en tant que support, se dégage un élément clé de la nature du texte.

Il suffit pour s’en convaincre de constater, comme le fait Polastron, que l’apparition du papier va détacher les livres – le codex à proprement parler – de leur fonction première, c’est à dire des textes érudits, principalement la Bible et autres textes sacrés. Le livre sous sa forme papier est donc le vecteur par excellence des idées et la farouche arme des opinions propres. Serait-ce donc que le support aurait vraiment un rôle à jouer ? Et si c’est le cas, quelle « révolution » serait-elle cristallisée dans le passage à l’ebook et à la liseuse ?

Le constat que dresse Polastron est accablant. Selon lui, le passage au livre numérique n’inaugure rien de moins que la mort du livre mais surtout un appauvrissement radical de la lecture. S’il est vrai que l’ebook ne permet plus la transmission et le prêt et s’il est en quelque sorte lié à l’immédiateté du numérique, il semble prématuré d’y voir le chant du cygne de l’intellect.

L’immédiateté du numérique n’est-elle pas finalement le symptôme d’une société qui n’écrit plus pour lire mais pour écrire et n’a pas la patience de corriger ses effluves spontanées ? Plus que la mort du livre, la liseuse ne signerait-elle pas la mort de la lecture elle-même? D’autant plus qu’il y a toujours eu un rapport physique à la lecture. Le propos aurait mérité d’être plus nuancé. Et pourtant, le portrait que Polastron dresse du lecteur moderne est accablant et probablement véridique.

Retraçant l’histoire du livre grâce à un style truffé de mots d’esprits, Polastron dresse le portrait de cet objet étrange, porte vers le spirituel et aujourd’hui simple objet monnayable. Mais c’est aussi le visage des dévoreurs de livre qu’on peut lire en filigranes dans Une brève histoire de tous les livres. Vous ne manquerez pas de découvrir les symptômes d’une maladie dont vous êtes peut-être aussi atteint. Que ce soit par vos narines qui se dilatent en l’ouvrant, vos doigts qui le caressent avec délectations, ou votre coeur qui palpite à chaque nouvelle acquisition, vous vous retrouverez sûrement dans ces pages.

Si le livre fut fait de peau, et que l’intérieur de ses pages était le réceptacle « de nos tripes », alors ce passage au non-physique du support ne peut être qu’un appauvrissement du contenu également tant il s’éloigne du physique, de l’humain pour ne devenir plus qu’une vide chair à billets. Si nous sommes faits de la même matière que les rêves, comme le dit Shakespeare, et que ce qui nous y emmène perd cette matière, nos rêves perdront-ils leur substance ?

A propos Mathieu Pereira 121 Articles
Journaliste

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