Traverser les ténèbres d’Helena Janeczek

traverser les tenebres couverture

auteur : Helena Janeczek
éditions : Actes Sud
date de sortie2 avril 2014
genre : Chronique familiale

70 ans après la libération des camps d’extermination, la Shoah continue de faire souffrir les survivants mais aussi leurs descendants considérés comme victimes du « syndrome du survivant ». Identifié dans les années 1960 par le psychanalyste américain William Guglielmo Niederland, ce syndrome exprime la culpabilité d’avoir survécu quand tant d’autres ont été assassinés. Il se manifeste par une série de maux caractéristiques : anxiété, troubles cognitifs, de la mémoire, état dépressif chronique, tendance à l’isolement, au retrait et au renfermement mélancolique, altération de l’identité personnelle, affections psychosomatiques… Cette transmission de symptôme s’effectue de manière inconsciente à travers les paroles et les gestes apparemment anodins de la vie quotidienne.

L’auteur de Travers les ténèbres, Helena Janeczek, nous raconte qu’elle ne sait pas comment était sa mère entre 1939 et 1945. Elle n’arrive pas vraiment à rendre réelle son histoire, du moins à la suivre comme celle d’un personnage littéraire. On apprend, comme elle, à la découvrir au fil du récit entre anecdotes du passé et du présent.

Morceau choisi : « Je peux bien lire tout ce qui a été écrit sur l’extermination, comprendre le mécanisme du nazisme, analyser le problème de la folie collective, de cette horreur historique précise, ce n’est pas pour autant que j’arrive, au fond de moi, à avoir une idée globale, fut-elle précaire, de ce qu’étaient mon père et ma mère. Par ailleurs, le fait est là : ils ne sont pas nés ou ressuscités au printemps 1945. Les parents que j’ai connus existaient bien avant, du moins en partie ». « Mon père et ma mère étaient restés en vie, donc ils voulaient vivre. Donc ils me voulaient, moi, un enfant. Pour cet enfant, il n’est pas facile de jouer le rôle de la vie-qui-continue. L’envie de vivre, cette envie de vivre primitive qui surgit de l’anéantissement, se transmet aussi. »

Helena Janeczek reste très évasive sur les parcours de ses parents durant la Shoah. Ce qui est mis en avant dans son récit ce sont les rapports qu’elle entretient avec sa mère, polonaise faite citoyenne allemande, alors qu’elle est partie vivre en Italie.

Le style est imprécis : ce n’est ni de l’ordre du roman ni du journal intime mais c’est plutôt un double-portrait de femmes à la fois fortes et fragiles.

On regrettera dans ce livre les longues explications relatives à l’éducation que sa mère lui a donnée, à leurs peurs, leurs langues parlées, la différence entre tels ou tels mots qu’ils soient polonais, allemands ou yiddish ou encore les moyens utilisés afin d’avoir son permis de séjour italien. Vient ensuite la narration du voyage mère-fille sur les traces de leur famille disparue en Pologne : le récit devient alors fluide, captivant voire émouvant. On trouvera dès lors un attachement certain à ces femmes en quête perpétuelle d’identité.

Si cette souffrance des survivants vous intéresse, je vous conseille vivement la bande dessinée de Michel Kichka qui s’intitule « Deuxième génération. Ce que je n’ai pas dit à mon père ». C’est un récit autobiographique, unique et touchant, qui tient à la fois du récit et du documentaire historique.

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