The Sense of an Ending, les mensonges du souvenir

The Sense of an Ending

de Ritesh Batra

Drame

Avec Jim Broadbent, Charlotte Rampling, Harriet Walter, Emily Mortimer, Joe Alwyn

Sorti le 24 mai 2017

Divorcé et pratiquement retraité, Tony Webster partage son emploi du temps peu chargé entre sa petite boutique d’appareils photos antiques et le suivi de la grossesse de sa fille. Mais sa vie se voit bouleversée lorsqu’il apprend que la mère de Victoria, son amour de jeunesse, lui a légué le mystérieux journal d’un jeune homme qui fut jadis son meilleur ami puis le fiancé de Victoria. En renouant avec cette dernière et en revenant petit à petit sur la piste de sa jeunesse, Tony redécouvre une vérité cachée derrière les faux souvenirs que les années ont instillés dans son esprit.

Que l’indien Ritesh Batra dirige ce drame psychologique profondément britannique, emmené par un casting « troisième âge » tributaire d’une certaine « qualité anglaise », d’un type de cinéma pépère et sans surprises, n’est pas si étonnant lorsque l’on fait le rapprochement entre ce film et le précédent de Batra, The Lunchbox. En effet, il y a de notables similitudes entre ces deux récits d’un homme d’âge mûr se posant des questions sur le sens de sa vie et dans la manière dont est traitée, dans l’un comme dans l’autre, l’influence de l’écrit sur les relations humaines – des petits mots laissés dans une « boite à manger » dans le cas de The Lunchbox, un journal intime recelant une vérité enfouie dans The Sense of an Ending.

Si cet apport d’un cinéaste étranger dans une dynamique propre à un sous-genre particulier du cinéma britannique n’est pas inintéressant, il a également ses limites, tant on flaire ici le film de commande, refilé à un réalisateur qui a fait ses preuves avec une œuvre similaire. Les similitudes sont au cœur même de la vision de The Sense of an Ending, puisque la présence de Charlotte Rampling au casting ne manque pas non plus de rappeler l’un de ses films les plus récents, le glaçant 45 ans. Dans ce drame d’Andrew Haigh, le personnage de Rampling découvrait un mensonge – ou une omission – fait par son mari au moment de leur rencontre, 45 ans plus tôt, et remettant en question toute la fondation de leur mariage et de leur relation. Dans The Sense of an Ending, Tony Webster (incarné par Jim Broadbent) découvre un mensonge qu’il s’est fait à lui-même en se racontant des histoires quarante ans durant, remettant également en question l’image qu’il a de lui-même et le bien-fondé des décisions qu’il a prises.

Le film de Batra est bien moins aride que celui de Haigh, plus mélancolique et moins cruel. Sa dernière partie arrondit d’ailleurs les angles d’une manière assez désinvolte, convoquant la voix-off blasée du personnage principal, qui se trouve des circonstances atténuantes, comme s’il se racontait encore une fois des histoires. Batra est plus l’homme du « feel-good movie » en mode mineur que celui du mélodrame psychologique. Mais son film recèle malgré tout des mystères cachés, qui le rendent moins limpide et uniforme qu’il en a l’air. Les impuretés salutaires sont à chercher dans la relation ambigüe entre Tony Webster et cet ami d’université dont le journal intime est un graal invisible, dans la manière dont le second semble imperceptiblement suivre les pas du premier et dans celle dont ce lien tacite et indicible mène à la tragédie.