The Kindergarten Teacher, quand obsession rime avec transgression

The Kindergarten Teacher
de Sara Colangelo
Drame
Avec Maggie Gyllenhaal, Gael Garcia Bernal, Rosa Salazar
Sortie prévue le 28 mars 2019 en DVD et VOD

Remake américain inspiré du drame israélien de Nadav Lapid sorti en 2014, The Kindergarten Teacher nous interroge, entre empathie et malaise, sur les limites éducatives et l’éveil à l’art. Maggie Gyllenhaal y campe, avec beaucoup de justesse et de sensibilité, une institutrice aux desseins troubles.

Installée à Staten Island avec toute sa famille, Lisa Spinelli travaille depuis plus de vingt ans dans une école maternelle. Passionnée par son métier d’institutrice, elle met, à travers différentes techniques, tout en œuvre pour susciter le désir d’apprendre chez les enfants. Mais à la maison, Lisa voit d’un mauvais œil l’évolution de ses propres enfants devenus adolescents. Toujours connectés, ceux-ci mènent à ses yeux une vie passive, sans entrain. Elle tente de stimuler leur fibre artistique mais n’y parvient pas. En décalage avec le monde d’aujourd’hui, Lisa a trouvé une échappatoire : des cours du soir de poésie à Manhattan. Mais le succès n’est pas vraiment au rendez-vous, hélas. Ses poèmes n’enthousiasment ni son professeur ni les autres étudiants de son cours. Jusqu’au jour où elle s’approprie le poème d’un enfant de sa classe de maternelle, Jimmy (Parker Sevak), un garçon de cinq ans déclamant des vers dans une sorte de transe. Lisa flaire très vite le talent de l’enfant et décide de préserver, à sa manière, cette étincelle.

La caméra de la réalisatrice Sara Colangelo ne lâche jamais Lisa qui devient la gardienne d’une flamme fragile, quitte à enfreindre quelques lignes jaunes car le père de Jimmy, propriétaire d’une boîte de nuit, n’est pas vraiment sensible aux charmes de la poésie. Sans jugement, elle observe Lisa aux prises avec ses désirs contradictoires, usurpant tantôt les poèmes de l’enfant, éveillant tantôt la curiosité du petit au monde de l’art. Dans une mise en scène sobre mais intelligente, Sara Colangelo parvient à faire douter, déstabiliser le spectateur empathique par un jeu de fausses pistes. Mais dès lors qu’un climat malsain s’installe, les actions impénétrables de Lisa nous questionnent sur la bonne distance à tenir entre enseignant, parent et enfant. Comment développer l’esprit créateur d’un enfant à haut potentiel sans franchir certaines limites ? Comment le nourrir intellectuellement sans prendre le contrôle de sa vie ? La coéducation entre parents et professionnels de l’enseignement mène-t-elle souvent à des dérives ?

Porté de bout en bout par l’actrice Maggie Gyllenhaal, troublante dans ce rôle de femme mentor énigmatique, le long-métrage de Colangelo est à l’image de son (anti)héroïne : beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Cependant, malgré son final très réussi, le film n’apporte pas de véritable réponse quant aux réelles motivations de Lisa dans sa quête absolue d’éducation d’un petit prodige. Son trouble obsessionnel intrigue. On peine à n’y voir qu’une vaine tentative de préserver un enfant talentueux d’une existence prosaïque.