The Bleeder, le vrai Rocky Balboa

The Bleeder

de Philippe Falardeau

Drame, biopic

Avec Liev Schreiber, Naomi Watts, Ron Perlman, Elisabeth Moss, Jim Gaffigan

Sorti le 7 juin 2017

Boxeur dilettante originaire du New Jersey et surnommé « Bayonne Bleeder » pour sa propension à encaisser les coups et à saigner abondamment, Chuck Wepner avait défrayé la chronique en 1975, par sa manière vaillante d’affronter – lors d’un match en quinze rounds – un Mohammed Ali qui ne s’attendait pas à une telle résistance. Déroulant l’histoire vraie de Wepner depuis cet éclat passager, puis détaillant sa déchéance progressive et son arrestation dans les années 80 pour détention de drogues, jusqu’à une rédemption finale, The Bleeder développe le récit classique d’un héros américain ordinaire, de façon totalement linéaire.

Dès les premières minutes du film, la voix-off introductrice de Chuck Wepner (incarné par Liev Schreiber) prévient le spectateur : « vous ne me connaissez pas, mais vous me connaissez quand-même ». En effet, le film le dévoilera après une première demi-heure qui met déjà la puce à l’oreille : Chuck Wepner n’est autre que l’homme qui a inspiré à Sylvester Stallone le personnage de Rocky Balboa.

Plus qu’un film de boxe – à part le combat entre Wepner et Ali en début de film, pas grand-chose à se mettre sous la dent à ce niveau-là – The Bleeder est donc l’histoire d’un homme qui s’est fait complètement dépasser par son double fictionnel. Sur le plan purement théorique, c’est un film sur la puissance dévastatrice de l’image cinématographique, sur sa manière de capturer le réel, de le remâcher et de le digérer, parfois au dépend de celui-ci. Les scènes de cinéma, celles ou Wepner se retrouve face aux images du premier Rocky, dans un état de sidération totale, sont parmi les plus belles du film, tout comme les extraits intercalés de Requiem pour un champion, drame de 1962 avec Anthony Quinn, que Wepner idolâtre et qui préfigure sa trajectoire descendante.

On peut fantasmer un film qui n’existe pas en gonflant l’importance de cette thématique esquissée par certaines scènes, rêver à une mise en scène qui mettrait en valeur cet effet de miroir fascinant entre la vraie vie de Wepner et ses modèles cinématographiques, mais les quatre scénaristes et le réalisateur Philippe Falardeau se contentent malheureusement trop souvent de rendre compte de l’histoire vraie d’une manière qu’ils doivent considérer comme fidèle, c’est-à-dire dans l’énumération chronologique et sans point de vue des faits, sans travailler cette résonance entre réalité et fiction. De par cette trop grande révérence à son sujet et à la personne réelle de Chuck Wepner, The Bleeder ne se démarque pas de Bleed for This, autre biopic trop fidèle d’un boxeur américain, également sorti récemment en salles.