Still the Water de Naomi Kawase

still the water affiche

Still the Water

de Naomi Kawase

Romance, Drame

Avec Nijirô Murakami, Jun Yoshinaga, Miyuki Matsuda, Makiko Watanabe, Tetta Sugimoto

Sorti le 29 octobre 2014

Après une Caméra d’or en 1997 au festival de Cannes avec Suzaku et le Grand Prix du Jury, dix ans plus tard pour La forêt de Mogari, Naomie Kawase revient somptueusement avec Still the Water. Comment rentre hommage en images à ses origines et à la femme qui l’a élevée ? Ce film en fait la réponse. Avec Still the Water, Naomie Kawase est venue déposer sur la pellicule les cendres de son deuil, la mort de sa mère adoptive.

À Amami-Oshima, île japonaise des ancêtres de la réalisatrice, la nature fait corps avec les hommes. Un soir de pleine lune, un jeune garçon de 16 ans, Kaito, découvre un corps mort dans la mer. Mais Still the Water construit bien plus qu’une histoire. C’est un parcours initiatique, où deux adolescents prennent la route vers le monde des adultes : Kaito confronté à la séparation de ses parents, et Kyoto à sa mère mourante.

Restant attachée à ses thèmes phares, Naomie Kawase voyage au travers de la vie et de la mort, de l’amour et de la mer. La nature, comme un personnage à part entière, tisse un fil au travers du film. De là seulement, peuvent naître harmonie et acceptation. L’homme et son rapport fusionnel aux quatre éléments en est bouleversant de sensibilité et de vérité. Au travers de cette nature, en contraste avec la ville de Tokyo, Kawase, en un retour aux sources, nous rappelle nos origines et le cycle naturel des choses. À l’image de la lune comme du temps qui passe.

Dès les premiers instants du film, la mort se présente comme part intime de la vie. La mer déchainée s’abat avec violence au-delà de la berge, et sur la robe blanche d’une chèvre égorgée s’écoule le sang. Sous le regard de Kawase, ces images abruptes perdent leur violence pour ne garder qu’une beauté sublimante. La mort peut être aussi belle que la vie, puisqu’elle en fait partie.

Et à cela répond l’image de la mer, omniprésente. Source de beauté et d’apaisement, mais également de danger et férocité, elle se déchaine, puis s’adoucit. Elle est meurtrière et protectrice. La mer est sauvagement belle. Alors, cette eau fait peur : « La mer, c’est vivant », dit Kaito. « Mais moi aussi je suis vivante », lui répond Kyoto. Chez Kawase, la mer – puisque symbole de la vie et de la mort – devient aussi métaphore de la mère. Comme les vagues et leurs allers-retours incessants, c’est celle qui s’en va, mais qui ne part jamais vraiment.

La cinéaste met en images ses peurs et ses sentiments, en touchant du doigt le sublime. Ces cadres et sa capacité à capter cette lumière incroyable sont d’une beauté et pourtant d’une simplicité bouleversante. Si la musique tend quelque peu au sentimentalisme, chaque plan reprend le dessus, empêchant la superficialité, et vibre d’une fragilité qui rappelle l’adolescence naïve. Les corps se meuvent, magnifiés. Le père qui danse avec le vent. Les mains de la mère qui virevoltent sous la lumière des arbres. La caméra qui effleure, tactile, ce mystérieux dos tatoué. Cette étreinte d’amour sur les restes humides d’un typhon. La mort qui s’éprend d’un corps avec la douceur d’un enfant. La nage de Kyoto et Kaito renaissants.

Still the Water a le gout salé de la mère. Et à sa juste mesure, il pose la question du sens de la vie. « Pourquoi faut-il que les gens naissent puis qu’ils meurent ? » Dans cette harmonie féconde de l’homme à la nature, le film, en toute sérénité, nous chemine à comprendre que quoi qu’il advienne, la vie mérite d’être vécue humblement, intensément.

A propos Lise Mernier 11 Articles
Journaliste du Suricate Magazine

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  1. Fidelio, grandiose et poétique • Le Suricate Magazine

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