« Solo : A Star Wars Story », monologie d’un homme sans nom

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Solo : A Star Wars Story

de Ron Howard

Science-fiction, Fantastique

Avec Alden Ehrenreich, Woody Harrelson, Emilia Clarke

Sorti le 23 mai 2018

Vivant en semi-liberté sur la planète Corellia, le jeune Han (Alden Ehrenreich) cherche à s’évader en compagnie de Qi’Ra (Emilia Clarke). Une évasion à moitié réussie, puisque Han devra laisser derrière lui sa belle, lui promettant de revenir la chercher. Pour ce faire – mais aussi pour atteindre son rêve de devenir pilote de vaisseau -, Han décide de s’engager dans la Flotte Impériale. Mais ses problèmes comportementaux l’envoient très vite vers le rôle peu envié de chair à canons, celui-ci devant alors combattre âprement sur un champ de bataille. C’est sur ce no man’s land que Han fait la rencontre du contrebandier Tobias Beckett (Woody Harrelson) et de son futur comparse Chewbacca.

Présenté la semaine dernière au Festival de Cannes, Solo : A Star Wars Story était très attendu par les fans de la saga. De fait, même si ce long métrage n’est qu’un spin-off de l’octalogie initiée en 1977 par George Lucas, il relate l’histoire de l’un de ses personnages emblématiques, Han Solo, interprété originellement par Harrison Ford. Plus encore, il promet aux fans de leur livrer les prémisses de la bromance entre le contrebandier et Chewbacca.

Pour réaliser ce produit dérivé scénaristiquement futile mais symboliquement important, LucasFilm et Disney ont d’abord fait confiance au duo déjanté Phil Lord – Chris Miller (21 Jump Street, La Grande Aventure Lego) avant de se rétracter après quatre mois de tournage et de confier leur précieux opus à l’expérimenté Ron Howard (Willow, Apollo 13, Da Vinci Code), sous les regards bienveillants des frères Jon et Lawrence Kasdan. Et si de nombreuses rumeurs faisaient état d’un film potentiellement raté, force est de constater au regard des deux heures et quart de bobine qu’elles auront eu tort.

C’est certain, Solo : A Star Wars Story recèle d’innombrables qualités, à commencer par la mise en situation de ses personnages. En alliant une construction narrative assez classique pour un Star Wars (le bien, le mal, la quête et la confrontation) avec le genre western, les scénaristes, de même que le réalisateur, ont donné une singularité à un opus qui en avait indéniablement besoin. Alors que la postlogie peine à trouver son originalité et à se démarquer de la trilogie originelle, Solo nous propose quelque chose de différent, un space western de grande envergure où la complexité de certains des personnages rappelle les heures de gloire du western spaghetti et où l’univers style future-archaïque renvoie aux cadors du space western comme Josh Whedon (Serenity) ou même Jon Favreau (Cowboys and Aliens). Ce dernier prêtant d’ailleurs sa voix au personnage de Rio Durant dans Solo, avant d’offrir ses talents de scénariste à la future série Star Wars qui sera bientôt en production.

Mais comme toute médaille a son revers, Solo : A Star Wars Story dévoile également son lot d’imperfections. D’une part, cette nouvelle production Star Wars est bien moins rythmée et survitaminée que ne l’étaient ses prédécesseurs. Que ce soit dans la manière d’aborder les combats ou le célèbre Raid de Kessel réalisé en 12 parsecs par le Faucon Millenium, Ron Howard est sage, beaucoup trop sage et raisonnable pour enfanter d’un véritable personnage charismatique. Il nous aurait fallu bien plus de doutes, de déchirements et davantage de violence pour que l’aura de son protagoniste principal s’en trouve magnifiée. D’autre part, l’ajout de personnages secondaires ou faire-valoir – au-delà de l’impératif scénaristique qu’il constitue tout au long de la saga – se fait ici parfois poussif. En effet, le personnage de Qi’Ra n’apportera jamais le suspens qu’il était sensé insuffler, tout comme celui de Dryden Voss dont les traits démoniaques semblent tout droit sortis d’une parodie signée Jay Roach.

En résumé, Solo : A Star Wars Story n’est pas le naufrage que bon nombre de détracteurs de la saga attendaient. Bien au contraire, son basculement dans l’univers du space western lui donne une plus-value non négligeable. Reste alors un récit peut-être trop clair pour un personnage qu’on percevait jadis plus obscur.

A propos Matthieu Matthys 919 Articles
Directeur de publication - responsable cinéma et littérature du Suricate Magazine.