Sami Blood, récit d’initiation et d’humiliations

Sami Blood

d’Amanda Kernell

Drame

Avec Cecilia Sparrok, Erika Sparrok, Maj Doris Rimpi, Julius Fleischanderl, Olle Sarri

Sorti le 24 mai 2017

Pour son premier long métrage, la suédoise Amanda Kernell développe sur la longueur un sujet qu’elle avait déjà abordé dans plusieurs courts, notamment le dernier en date (Stoerre Vaerie), dont Sami Blood est très clairement une version longue. Sélectionné à Venise, à Berlin ou encore à Toronto, le présent film a tout du petit phénomène de festivals : une œuvre qui, d’un côté, convoque une dimension historique toujours en résonnance avec l’actualité – à savoir l’ostracisation de la communauté laponne et le rapport colonial qu’entretenaient les Suédois avec ce peuple indigène au début du XXème siècle – et, de l’autre, met celle-ci en scène dans la plus pure tradition du film d’humiliation, avec un regard appuyé voire voyeuriste sur l’errance physique et mentale d’un personnage en quête d’identité.

Le film suit donc Elle Marja, une jeune Sami (ou Laponne) issue d’une famille d’éleveurs de rennes qui, bien qu’intégrée et bonne élève, subit régulièrement des brimades et des examens biologiques à caractère raciste, dans son pensionnat. Décidée à quitter cette vie-là et ses racines, elle entreprend un voyage solitaire vers la ville. Hébergée dans un premier temps par la famille d’un jeune garçon qu’elle a rencontré lors d’un bal, elle devra vite se débrouiller elle-même et suivre un chemin de plus en plus compliqué.

S’il est toujours assez difficile de comprendre ce qui pousse un auteur à créer des personnages et à les mettre au centre d’un film dans l’unique but de les regarder souffrir deux heures durant, il apparaît néanmoins que les films de ce type ont leur public et leurs entrées dans les festivals, avides de nouvelles têtes, d’histoires véridiques et de cinématographies exotiques. Sami Blood rentre pleinement dans cette catégorie d’œuvres qui se légitimisent elles-mêmes par leur ancrage réel, historique et/ou sociologique, mais s’enferment dans les canons balisés d’un cinéma pseudo-alternatif, en réalité tout aussi formaté que celui en réaction duquel il semble se construire, à savoir le divertissement « mainstream », jugé inconsistant et sans prise avec la réalité.

Si la bataille d’Hernani qui opposera éternellement les défenseurs du naturalisme à ceux d’un cinéma créant ses propres normes esthétiques et référentielles peut parfois apparaître comme dépassée, binaire et peu pertinente, des films comme Sami Blood réveillent quelque peu cette opposition. D’autant plus que la stylisation visuelle qui y est faite d’une certaine souffrance humaine renforce cette impression de voir un film qui utilise le malheur de son personnage érigé en martyr – elle semble destinée à se faire humilier où qu’elle aille – comme moteur scénaristique et visuel.