Snegurochka : le romantisme noir d’un manga soviétique

Snegurochka

Scénario & Dessins : Hiroaki SAMURA
Editions : Casterman
Sortie : 17 février 2016
Genre : Manga, historique

Hiroaki Samura, bédéaste japonais, est principalement connu pour son manga de sabre, L’habitant de l’infini. Ce récit fleuve (dix-neuf années pour un total de trente volumes) reconstitue précisément le quotidien de l’ère Edo au Japon (1603-1867) en se démarquant notamment par une mise en scène de combats énergique et dynamique. Moins connu du grand public, il réalise également entre 1998 et 2006 des illustrations prenant comme sujet central des scènes de violences sexuelles extrêmes (Hitodenashi no Koi).

Avec Snegurochka, Hiroaki Samura nous livre un manga one-shot, en plein URSS des années trente, lorsque le pays, sous l’autorité stalinienne, connaît des bouleversements d’une extrême violence. Snegurochka retrace le récit fictif de Belka et Shchenok, une jeune fille handicapée accompagnée de son domestique, au moment où ils s’installent dans une résidence secondaire à la campagne (datcha) ayant appartenu à une famille d’aristocrates et gérée par le parti communiste. Tour à tour malmenés, capturés ou torturés par la police secrète, nos deux héros sont pourtant sur les traces d’un mystérieux objet, et plus largement en quête d’une identité.

Le style particulier de la mise en scène de Samura est ce qui réussit le mieux à nous plonger dans ce huis-clos soviétique, trimballés tout au long de l’intrigue dans des paysages arides et froids, où la précision du dessin en noir et blanc permet facilement d’apercevoir le blanc manteau neigeux tacheté du rouge sang de l’Histoire.

L’aspect cinématographique de la mise en scène — variations des échelles de plans, hors-champs sonores, flash-back et close-up — rend le lecteur particulièrement actif et impliqué dans un souci du détail.

En mêlant l’histoire personnelle à la grande, celle avec un H majuscule, l’auteur prend le risque de noyer l’intrigue dans un environnement documentaire trop complexe pour les novices de l’histoire soviétique. Quand bien même les nœuds du récit se résoudraient un peu trop rapidement vers la fin du manga, Snegurochka constitue une rencontre étonnante entre le conte populaire issu du folklore russe (Snegurochka, fille de neige au gant magique) et le thriller politique qui réveille les vieux fantômes de l’histoire de la Russie impériale.

De petites touches de suspense en plein conte russe pour adultes, voilà qui ravira le lecteur à la recherche d’un manga atypique et mystérieux.

A propos Paul Muller 22 Articles
Journaliste du Suricate Magazine

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  1. L'habitant de l'infini, une oeuvre majeure • Le Suricate Magazine

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