Retour sur Schitz d’Hanock Levin aux Tanneurs

Texte d’Hanokh Levin, mise en scène de David Strosberg, avec Brenda Bertin, Bruno Vanden Broecke, Jean-Baptiste Szezot et Mieke Verdin – Crédit photo : Danny Willems

Du 19 au 23 février 2016 à 20h30 au Théâtre Les Tanneurs

Petite pépite au coeur de l’hiver, malheureusement jouée trop peu longtemps (il fallait courir au théâtre des Tanneurs avant le 23 janvier), Schitz est un feu d’artifice de bons mots et de bonne humeur.

L’écriture, tout d’abord, est virtuose. Hanokh Levin signe ici une comédie grinçante et jouissive qui égratigne les relations familiales. Ils sont quatre égoïstes sur scène à se battre becs et ongles pour défendre leurs désirs. Il y a Schitz, le père, qui a travaillé dur et épargné toute sa vie, Tsécha, la mère, qui rêve d’être grand-mère, Schprakhtsi, la fille, qui ne pense qu’à se marier, et Tcherkès, le gendre ambitieux qui convoite les biens de son beau-père. Si les parents ont des rêves conformes à ceux de leurs parents avant eux (marier leur fille, assurer une descendance), les enfants assument un matérialisme décomplexé et monnaient toutes leurs apparitions familiales. Au sein de la famille, l’état de guerre est permanent. Le texte est d’une cruauté folle et il entraîne un rire joyeux et horrifié. Ici les affrontements sont incessants, les parents se font saigner par les enfants, les enfants complotent un double assassinat afin de jouir une fois pour toute des capitaux familiaux.
Le texte, truffé de jeux de mots, alterne répliques et chansons. Il semble avoir été écrit en français tant la traduction est remarquable. On la doit à Laurence Sendrowicz, qui est également auteur.

Comme le rappelle malicieusement la mise en scène de David Strosberg, le théâtre ce n’est pas que des mots, c’est aussi des corps. Et lorsque ils s’avancent ces corps énormes, gonflés de chair, obèses, ils suscitent quelques rires et beaucoup d’étonnement. Ils sont trois gros à chanter et danser sur scène. La silhouette élancée et dégingandée du gendre offre un contrepoint intéressant qui n’apportera pas l’équilibre tant souhaité par la famille. Le texte est corrosif, transgressif et politique, mais il célèbre également la bonne chère dans de nombreuses envolées rabelaisiennes : on y parle de nausées et de flatulences, mais aussi de saucissons et de cacahuètes. Les acteurs, Bruno Vanden Broecke, Mieke Verdin, Brenda Bertin et Jean-Baptiste Szezot, livrent une prestation d’une précision folle, qui sert au mieux le souffle acéré de Levin.

Au premier plan il y a la famille et son cortège de mesquineries, de coups bas et de voracité. à l’arrière-plan c’est la société israélienne qui se dessine. Une société où à tout moment, la guerre peut retentir et anéantir les uns ou enrichir les autres. Pièce aux multiples lectures, qui jongle avec les mots, Schitz est un petit bijou à ne pas laisser filer.

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