La repasseuse de Bénédicte Lapeyre

auteur : Bénédicte Lapeyre
édition : Albin Michel
sortie : septembre 2016
genre : roman

Mone est née en 1900, l’époque où le métier de repasseuse fleurissait dans les villes. C’était un métier difficile qui ne rapportait pas grand-chose, tout au plus de quoi faire vivre Mone, sa sœur Marie et sa mère. Mone a appris de celle-ci les gestes et les techniques de repassage selon les étoffes, les mélanges amidonnés pour les cols et les dentelles, les fers, dont certain pouvaient peser jusqu’à 9 kg et dévolus à différentes pièces de tissus de la plus fragile comme les robes de baptême jusqu’aux draps et autres nappes. Mais Mone a surtout appris à être discrète. Une repasseuse sait tout, elle le lit dans le linge qu’elle repasse : enfants à venir, tromperies conjugales, revers de fortune et même l’attachement d’une mère qui peut être différent selon ses enfants.

A elle trois, elles vivent une existence très modeste mais Mone sait se contenter de peu. Sa gentillesse et sa discrétion lui ont permis de vivre de son travail qui disparaîtra avec l’automatisation des techniques de repassage et l’engouement pour le prêt-à-porter qui s’il représente la libération des corps signe aussi l’arrêt de mort de ce métier à présent oublié. Mone terminera ses jours en douceur, mais nous n’en dévoilerons pas plus.

Le destin d’une simple repasseuse pouvait-il faire l’objet de tout un roman ? Eh bien, oui. Parce qu’au-delà de l’existence de Mone, c’est une immense fresque historique qui nous est dépeinte. L’analyse d’un siècle qui a vu se produire deux guerres mondiales, un siècle de reconstruction et de renaissance de l’espoir espoir suivi de cruelles désillusions, d’avancées technologiques qui ont changé le visage du monde, du combat des femmes pour la libération sexuelle et le droit de vote, etc. En un siècle à peine, la société européenne s’est profondément transformée pour le meilleur… et pour le pire.

La repasseuse c’est aussi et surtout une histoire qui prend vie sous la jolie plume de Bénédicte Lapeyre qui se laisse lire avec facilité et délices. Une belle prose qui va à l’essentiel agrémentée d’exercices de style tout à fait en accord avec l’ambiance que l’auteure a voulu donner à son récit. Un très joli roman qui vaut la peine qu’on s’y arrête un moment : dans ce tourbillon technologique et la vitesse effrénée des découvertes en tout genre se rendre compte qu’il y a un peu plus d’un siècle on venait à peine de construire les premières voitures et seulement de comprendre comment fonctionne l’électricité nous remet à notre juste place, celle d’un maillon qui a peut-être oublié que la vie est plus précieuse que l’accumulation de biens qui nous détourne de l’essentiel.

A propos Daphné Troniseck 254 Articles
Journaliste du Suricate Magazine