Raul Paz en concert le 21 novembre prochain

Sur la pochette de Ven Ven, son dixième album, Raul Paz, pose en dandy cubain, devant un mur aux motifs urbains et colorés. Mains dans les poches et sourire discret, c’est à la Havane qu’il a composé onze titres inspirés par la rumeur entêtante des nouveaux sons de la capitale cubaine. Longtemps renfermée culturellement sur elle-même et cantonnée à son âge d’or musical des années 50, la Havane vit depuis peu une révolution musicale et culturelle. Pour en être, Raul Paz, après 16 années passées en France, est revenu à Cuba en 2010. « C’est un moment où il faut vivre à Cuba. Il y a plein de choses à faire et à apprendre… », explique-t-il. Apprendre d’abord à prendre son temps, lorsque ses précédents albums étaient composés dans la spontanéité. Pour Ven Ven, Raul Paz recherche un son, celui de Cuba aujourd’hui, et une énergie, celle de son époque. Alors pendant deux ans, il travaille d’abord seul chez lui, et compose à la guitare, au piano ou à la basse pour enregistrer des maquettes, et joue différentes versions des morceaux. « Cuba se prête à ça. Le soir, la maison était pleine, et pendant deux ans, les gens arrivaient faire la fête. A un certain moment, les titres étaient prêts. J’ai alors appelé les musiciens avec lesquels je travaille depuis longtemps, et nous nous sommes enfermés pendant dix jours au mythique mais un peu déglingué studio Egrem». Sur les trente ou quarante chansons de départ, onze figurent sur Ven Ven, tous mixés à Paris par Florent Livet (Phoenix, Bloc Party, Elephanz, Coeur de pirate).

Cuivré et urbain, ce dixième album rappelle l’atmosphère de Mulata (2003), où de lourdes lignes de basse soulignaient déjà l’envie de refléter la grande palette musicale de La Havane du troisième millénaire. Pourtant, en onze ans, la situation du pays a évolué. Musicalement, elle « s’est réveillée ». « Pour moi, c’était assez triste de voir Cuba toujours ramenée à la nostalgie musical des années 50, alors que les autres pays de la Caraïbe ont évolué avec leur temps, comme par exemple Porto Rico, qui en plus de la salsa, a été un pionnier dans le reggaeton, la pop, le rock » explique Raul. « A Cuba, depuis quelques années, les musiciens se sont davantage tournés vers la Caraïbe, et plutôt que les Etats-Unis. A La Havane, le gros son caribéen s’échappe des échoppes, des auto-radios et fait danser la jeune génération. Dans Ven Ven, Raul Paz a voulu laisser entendre ce nouveau faisceau d’influences. « Je me sens profondément caribéen. Ma femme est martiniquaise, je connais bien Porto Rico, Saint Domingue, Haïti et ces sonorités de basses sont les mêmes partout. Dans cet album, la base de ma musique n’est pas simplement cubaine mais caribéenne. Et en cela, ce disque reflète la Cuba d’aujourd’hui, qui n’a plus à brandir son passeport et dire « je fais de la musique cubaine des années 50».

Raùl Paz s’est toujours senti affranchi. C’est cela qui l’avait poussé à quitter son pays, à l’âge de 24 ans, pour le Brésil, d’abord, l’Uruguay, puis la France. Cela aussi qui lui a permis d’éviter tous les clichés, d’ouvrir une voie musicale sans complexe. Peu de jeunes musiciens cubains ont réussi à séduire un aussi large public : en France, Raul Paz a vendu 200 000 disques, et 300 000 à l’international. Aujourd’hui, deux décennies plus tard, depuis Cuba, il peut affirmer « Je ne suis plus un artiste de quelque part, je suis un artiste libre toute contrainte sociale, politique ou musicale, et mes albums ont tous ce point commun : une recherche de liberté ». Comme depuis le début de sa carrière, pour raconter le quotidien de La Havane, truffé de surprises et de contradictions, Raul Paz use de double sens dans ses textes. « Trouver des manières détournées de raconter des choses, c’est bien plus amusant que prétendre donner des leçons. On peut se demander de quoi parlent mes chansons, c’est toujours ambigu. Ce qui m’intéresse en tant qu’artiste, c’est d’ouvrir des portes ». A Cuba, Raul Paz fait partie d’une nouvelle génération d’artistes (plasticien, musiciens…), qui vivent de leurs activités à l’intérieur du pays. « La liberté d’entreprendre fait beaucoup de bien à la société. On commence à voir des jeunes qui veulent réaliser leur rêve à Cuba. C’est une étincelle d’espoir. Cela fait tellement de bien d’être dans un pays où les jeunes veulent rester! ».

Alors, depuis Cuba, Raul Paz s’imprègne des rythmes qui l’inspirent… Sur Ven Ven, il joue une rencontre entre le mambo contemporain et le boogaloo, sur Chiquita, il joue un vallenato, tandis que sur plusieurs morceaux de l’album les percussions rappellent les blocos de samba brésilienne, le reggae ou la soca de Trinidad. « Pour moi, c’est dur de s’enfermer dans des formules musicales pré-établies, parce que dans le monde dans lequel on vit, et notamment à Cuba, tout est de plus en plus mélangé ». L’album reflète cette vitalité de la Havane, un kaléidoscope coloré, profondément urbain, comme sur la pochette de Ven Ven.

 

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A propos Déborah Lo Mauro 221 Articles
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