Raphaël, les sirènes et le poulet : une ode à la culture des privilégiés

Conception et mise en scène d’Ingrid von Wantoch Rekowski. Avec Pascal Crochet, Isabelle Dumont, Cécile Leburton, Pietro Pizzuti, Candy Saulnier. Du 26 au 30 décembre 2018 au Théâtre des MartyrsCrédit photo : Eric Legrand

Autant l’annoncer d’emblée : pour apprécier pleinement l’ironie subtile de cette création, il faut faire partie des happy few. La metteuse en scène franco-allemande Ingrid von Wantoch Rekowsi y aborde le thème du couple, celui de l’amour et de la mort, en détournant des oeuvres majeures de la culture classique.

5 acteurs et un pianiste travaillent de conserve – et de concert – pour monter un récital scénique où les genres s’entremêlent pour aboutir à celui que certains qualifient de théâtre musical. Le pianiste, Raphaël, tente de mener une audition à bien (et ce tant bien que mal). Son instrument donne le rythme à la chorégraphie scénique, il en est le pilier, tandis qu’il devient tantôt un abri, tantôt un corbillard. Les interprètes qui l’accompagnent enfilent paire d’ailes, perruque et manteau de fourrure pour enchaîner les scènes mythiques autour de ce piano avec une énergie chaotique et parfois discordante.

L’exploration des duos mythiques tels que ceux d’Adam et Eve, Eva Braun et Hitler, Ophélie et Hamlet, Oedipe et le Sphinx, ou encore Tristan et Iseult permet d’illustrer les contradictions et la maladresse touchante propres à la nature humaine. Ingrid Von Wantoch Rekowsi déclare avoir cherché la simplicité dans le voyage à travers les oeuvres de Mozart, Haydn, Stravinsky, Wagner ou Schubert.

Prenons un moment pour savourer la toute relativité du concept de simplicité.

Effectivement, il faut bien avouer qu’on est loin d’entrer en résonance avec l’amour tel que vécu au quotidien par la moyenne. Car si le thème du couple est universel, son traitement dans Raphaël, les sirènes et le poulet s’avère très loin de l’être. La difficulté de représenter les figures mythiques littéraires et d’opéra que souhaite illustrer la metteuse en scène grâce au jeu comique des acteurs peut se transformer pour certains en difficulté d’en saisir les références.

On se trouve en plein dans le cliché de l’art théâtral réservé aux privilégiés, inaccessible à un public lambda – une inaccessibilité avec laquelle beaucoup se représentent le théâtre. Un trait qu’on lui reproche souvent à tort… et à raison dans le cas présent.

Si vous n’êtes pas dérangé par l’idée que le sens de ce que vous voyez vous échappe de temps à autre, vous serez probablement séduit par l’interprétation musicale de Jean-Philippe Collard-Neven et amusé par le jeu de Pascal Crochet, Isabelle Dumont, Cécile Leburton, Pietro Pizzuti et Candy Saulnier.