Que ta volonté soit faite de Maxime Chattam

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auteur : Maxime Chattam
éditions : Albin Michel
sortie : janvier 2015
genre : Polar, noir

À travers le parcours de Jon Petersen, psychopathe en puissance né dans le sang et n’ayant pas la moindre once d’humanité en lui, Maxime Chattam s’intéresse aux personnages gravitant autour et dresse le portrait de Carson Mills, une petite bourgade du Midwest américain, des années 60 à 80. Que ta volonté soit faite marque un tournant (ou un divertimento) dans la carrière de Chattam, habitué des thrillers plus directs et systématiques.

Alors que le récit suit Petersen depuis sa naissance, découvrant avec lui son plaisir à torturer des fourmis, puis des animaux, à humilier quiconque se dresse sur son chemin et à violer des femmes, il croise la route du sheriff Jarvis, enquêtant sur le viol de deux jeunes filles et sur le meurtre d’une bibliothécaire, celle du pasteur Alezza, recueillant  les confessions de tous ce petit monde et se posant des questions sur son rôle et sur celui de Dieu, et enfin celui de Riley, le fils tendre et sensible de Petersen, se rendant compte de l’incroyable pouvoir de destruction de son père.

Chattam fait se côtoyer ses différentes lignes narratives en les liant par le prisme d’un conteur omniscient et moraliste, dont l’identité ne sera révélée de manière allusive que dans les toutes dernières lignes. À la fois juge et partie des événements qu’il relate, celui-ci n’hésite pas à interpeller le lecteur à de nombreuses reprises afin de l’intégrer tout bonnement au déroulé de l’action. De cette manière, Chattam s’assure l’implication totale de son lectorat dans son récit et ajoute une dimension réflexive quant à la complicité éventuelle de celui-ci, devenu témoin passif des horreurs décrites.

Car il faut le reconnaître et le signaler, Que ta volonté soit faite est aussi un déluge de violences mentales et physiques, parfois à la limite du supportable, qui joue constamment avec les nerfs des lecteurs. Mais les descriptions froides et frontales que fait Chattam des exactions de Petersen, si elles peuvent parfois paraître complaisantes, sont aussi en parfait accord avec le style qu’il semble s’être choisi pour ce roman en particulier. On peut en effet y déceler l’influence d’une méthode à l’américaine, directe, sans fioritures, même si l’on devine ça et là la volonté de dépasser le type d’écriture très carré de ses précédents romans, afin de sortir quelque peu du territoire assez strict du thriller – avec meurtre-enquête-résolution – et de chasser sur celui du roman noir.

Malgré cette ambition plus « littéraire » qu’à l’accoutumée chez Chattam, on retrouve encore des « gimmicks », des trucs, qui peuvent parfois passer pour de la roublardise, comme cette manière d’annoncer dès les premières pages le caractère inattendu du dénouement, où le fait de taire le nom du narrateur uniquement pour épaissir un peu plus le mystère. Mais au bout du compte, on se dit que c’est de bonne guerre et que cette manipulation du lecteur fait finalement partie intégrante du contrat implicite que signe Chattam avec son lectorat de plus en plus fidèle. Son nom est effectivement maintenant connu du grand public et suffit à lui seul à évoquer assez de thèmes, d’implications et d’astuces pour que l’on sache à quoi s’attendre avant même de tourner la première page.

De tous les meilleurs vendeurs français, dont la critique littéraire se plaît systématiquement à rappeler qu’ils sont des « storytellers » et non des écrivains – à savoir les Musso, Levy et autre Werber – Maxime Chattam est clairement le plus intéressant. Si l’on savait déjà, à la lecture de Prédateurs, de Léviatemps ou de La Conjuration primitive, qu’il s’agissait d’un des auteurs de thrillers les plus efficaces de la francophonie, voire du monde, celle de Que ta volonté soit faite lui apporte du crédit supplémentaire quant à ses possibilités d’écriture et de narration.

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