Pas pleurer de Lydie Salvayre au Théâtre de Poche

D’après Pas pleurer de Lydie Salvayre, adaptation et mise en scène de Denis Laujol. Avec Marie-Aurore d’Awans. Création et interprétation musicales : Malena Sardi. Du 6 au 24 novembre 2018 au Théâtre de Poche. Crédit photo : © Yves Kerstius

Montserrat, à l’été 1936, est une jeune Catalane de 15 ans qui découvre la vraie vie. La vraie vie, c’est sa conscience politique qui s’éveille grâce aux discours enflammés de son grand frère Josep, un ángel caído del cielo indigné par les injustices que subissent les pauvres. La vraie vie, c’est dire merde à ces riches employeurs qui vous trouvent l’air bien brave. La vraie vie, c’est tomber amoureuse.

Lydie Salvayre raconte sa mère, Montse, qui à 90 ans et atteinte d’Alzheimer, lui raconte cet été-là comme si cela représentait tout ce qui avait compté dans sa vie, comme si les 75 années qui ont suivi n’avaient aucune importance pour elle. Lydie Salvayre raconte aussi la migration des Espagnols vers la France, et plus précisément celle de sa mère avec un enfant dans les bras, trois ans après ce fameux été, lorsque la guerre est gagnée par le camp franquiste. 

Plutôt que d’aborder ce pan de la guerre civile espagnole sur un ton dramatique, l’oeuvre exploite le côté naïf d’une adolescente de l’époque et traduit l’effervescence des mouvements révolutionnaires. Sur scène, Denis Laujol travaille avec la comédienne Marie-Aurore d’Awans, pour conter la joie et les espoirs de Montse ; il travaille également avec la musicienne et compositrice Malena Sardi pour remanier les chants politiques et populaires espagnols avec un archet et sa guitare électrique. Le jeu de la première et les morceaux de la seconde se marient et électrisent la salle.

En contraste, la voix de Georges Bernanos. Contraste de ton car, à celui, léger, teinté d’humour, des mots de Montse, s’oppose le ton, grave, des mots de l’écrivain français. Contraste de fond, car Bernanos se situe dans le camp opposé à celui de Montse (bien qu’il sera plus tard farouchement anti franquiste). 

Pas pleurer, c’est ce que vous demandent les artistes. Nous ne pleurerons pas non, ni en nous remémorant les épisodes tragiques de l’Espagne franquiste, ni devant ceux qui causent la migration d’autres peuples à l’heure actuelle (la guerre civile syrienne, par exemple). La comparaison parait d’autant plus pertinente quand on sait la comédienne engagée dans la fondation de la plateforme citoyenne Deux euros cinquante. Cette association récolte de l’argent en vue d’offrir des repas aux réfugiés si mal accueillis en Europe, contrairement aux Espagnols fuyant les persécutions fascistes il y a plus de 70 ans. 

Que raconteront ces gens-là à leurs petits-enfants ?

Pas pleurer donc, mais agir.