On the Other Side, devant la douleur des autres

On the Other Side

de Zrinko Ogresta

Drame

Avec Ksenija Marinkovic, Lazar Ristovski, Tihana Lazovic, Robert Budak, Tony Sestan

Sorti le 22 mars 2017

Partir, recommencer. Une autre vie ailleurs, sans lui ; et puis replonger par tous ces souvenirs enfouis que la voix ne fait que réactiver. On the Other Side peint la fresque sentimentale du retour d’un père, d’un mari, d’un dictateur, pour se livrer à une réflexion ouverte sur le pardon. Jusqu’où sommes-nous prêts à aller dans la souffrance de l’autre pour sa propre guérison ?

Sur fond de conflit balkanique, les personnages créés par Mate Matišić et Zrinko Ogresta ne nous disent rien de leur potentiel narratif, l’intérêt est ailleurs. Les visages restent clos et pourtant tout ouverts sur le monde. La dimension psychologique de chaque personnage, à toute échelle, est savamment travaillée et rend grâce à la beauté humaine, celle qui n’a pas peur d’y croire encore et toujours. La solitude est montrée dans son plus simple appareil, l’adultère par sa conséquence la plus directe et la mort dans sa vie éternelle, mais il faudra concevoir les décors avec la complexité humaine qui les habite. Il faudra voir cette mère venue féliciter la naissance de son petit fils hors mariage, cet homme venu déposer une gerbe en mémoire de la descendance de son bourreau, ou encore une fratrie unie pour la haine de son géniteur.

Sans pour autant être avare d’indices, les clés de lecture ne sont dispersées que par bribes et le puzzle ne se construit qu’au détour d’un geste, d’une mimique ou d’un détail. Il faudra être attentif, se poser les bonnes questions et peut-être même, rester en dehors des yeux de Vesna, en pilote automatique depuis déjà trop longtemps, pour avoir la distance d’affronter ce qui est. La vérité est là, il faut simplement la saisir avec toute l’expression d’un sentiment trop longtemps réprimé.

Toute cette complexité humaine, le cadre nous la crie ; toujours obstrué d’obstacles visuels, tantôt mobiliers tantôt fenêtres, les personnages, toujours de l’autre côté, sont enfouis dans l’image. La frontalité d’un portrait dans l’intimité de la chambre n’est là que pour confronter le spectateur à un personnage au cœur de sa multiplicité.

Au-delà du conflit, S one strane démontre la nécessité du contact. Tout en se haïssant, les personnages ne cessent pour autant, pour leur propre salut, de se raccrocher à cet autre qu’ils n’ont pourtant pas encore pardonné, car au-delà de l’humain, c’est l’Histoire qu’il faudra accepter.

A propos Audrey Lenchantin 56 Articles
Journaliste du Suricate Magazine