On ne badine pas avec l’amour vu avec un regard décalé par Benoit Verhaert 

Mis en scène par Benoit Verhaert. Avec en alternance Audrey D’Hulstere, Julie Lenain, Lormelle Merdrignac, Céline Peret, Stéphane Pirard,Vincent Raoult, Samuel Seynave, Benoît Verhaert. Du 26 au 30 mars 2019 au Théâtre Varia.

Sous la houlette du metteur en scène Benoit Verhaert, le (petit) théâtre Varia présente du 26 au 30 mars « On ne badine pas avec l’amour », ce monument de la littérature française écrit par Alfred de Musset en 1834. Cette pièce se penche sur les sentiments amoureux, l’ouverture (ou pas) a l’autre, et l’orgueil avec une belle énergie et un regard décalé.

Le propos de la pièce consiste dans les retrouvailles compliquées de deux jeunes aristocrates, Camille et Perdican, qui se sont connus et aimes enfants et qui prennent a partie dans leur jeu amoureux une jeune servante, Rosette, avec ils ont grandi.

Eduquée strictement par les sœurs du couvent, toutes victimes d’amours malheureuses, Camille a appris à ne pas avoir confiance en les hommes et a pris la décision de vouer sa vie à Dieu. Touché dans son amour-propre de se voir rejeter, Perdican laisse l’orgueil le dominer et décide de séduire Rosette pour rendre Camille jalouse. Le rôle de Rosette incarne la pureté de l’innocence et interprète à merveille la liquéfaction qui peut s’emparer de nous face au désir de l’être aime. Manipulée par l’un et l’autre, elle sera la victime sacrifiée.

Cette pièce, très bien écrite, brasse de nombreux thèmes. Outre l’amour, le désir de domination et la peur de la souffrance, cette œuvre donne a réfléchir sur les différences de classe sociale et le conditionnement parental, religieux ou sociétal dans les choix amoureux et de vie.

Les acteurs font preuve d’une belle éloquence et de beaucoup d’énergie avec des répliques qui fusent entre les deux protagonistes principaux tel un match de ping-pong. Stephane Pirard, dans le rôle de Perdican, exploite tout le plateau pour incarner la fougue amoureuse et sa vitalité et révèle une présence scénique forte. Dans la peau de Camille, Lormelle Merdrignac réussit une métamorphose entre la dévote austère, habillée en garçon manque (sur le modèle de George Sand dont Musset était éperdument amoureux) et la séductrice qui se laisse finalement aller a son sentiment amoureux en fin de pièce.

Musset a écrit cette pièce sur le mode de la comédie et du drame, en intercalant des scènes humoristiques ou des personnages burlesques côtoient les deux héros tragiques. Le metteur en scène a joué sur cette double approche en créant des personnages secondaires a base d’improvisations. Le mélange est réjouissant et on a aime la forte belgitude qui en est ressorti, notamment avec les agriculteurs et l’imitation des bruits de bêtes. La volonté de Benoit Verhaert était ainsi de « réactualiser l’humour daté » de Musset. L’accueil en musique était agréable, tout comme les interludes musicaux qui jalonnent le spectacle. A noter également pour son cote poétique, le beau jeu de lumière et l’utilisation des ombres chinoises.Cette pièce finalement a un message clair: on ne badine pas avec l amour car cela peut faire très mal. Malgré tout, il y a certaine promotion de l infidélité quand l’amour que l’on croyait ou voulait éternel n’est plus…

Benoit Verhaert résume le dilemme auxquels sont confrontes les jeunes deux jeunes amoureux en ces termes  » Perdican et Camille ont peur. Perdican se protège avec un masque de playboy, et la femme en se figeant dans la morale. » Et ajoute: « Camille veut l’aimer d’un amour éternel mais il ne la rassure pas. Il est prêt à la lâcher trop facilement, ne fait pas de sacrifices ».

Le texte original est d’une grande acuité sur le sentiment amoureux. Musset l’a écrit au tendre âge de 24 ans suite a sa rupture avec George Sand, partie avec le médecin qui le soignait… Il s est d ailleurs largement inspire de son histoire avec George Sand et a brode une réplique célèbre sur une tirade qu’elle avait lui écrit: « tous les hommes sont menteurs, faux, inconstants, bavards, hypocrites, orgueilleux ou lâches, méprisables ou sensuels. Toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées« . Et il conclut: « mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c est l union de ces deux êtres. »

A la fin de la pièce, les comédiens, impliques dans un projet pédagogique, proposent un débat aux spectateurs, auquel de nombreux jeunes étudiants de secondaire ont participé. Parmi les ressentis figure notamment le fait que Perdican a un panel beaucoup plus large d’options (il a pu tester) alors que les choix de Camille sont plus contraints : être trompé ou s engager. A contraster avec notre époque ou on vit dans une société plus ouverte, et ou les hommes et femmes sont plus libre de choisir le mode de relation qui leur convient. Et bien sur, la religion a perdu de son attrait et rares sont ceux ou celles qui refuseraient de vivre l’amour et ses souffrances en son nom.