Nocturnal Animals, nanar psychologisant vs. néo-western crapoteux

Nocturnal Animals

de Tom Ford

Drame, Thriller

Avec Amy Adams, Jake Gyllenhaal, Michael Shannon, Aaron Taylor Johnson, Isla Fisher

Sorti le 11 janvier 2017

Second film de Tom Ford en sept ans, Nocturnal Animals continue de creuser un cinéma de l’affèterie visuelle et de l’esthétisme sentimental, de manière plus complexe et voilée. S’il y avait une part d’originalité et d’émotion qui perçait à travers le bel objet trop lisse qu’était A Single Man, les trucs et astuces que met en place Ford avec ce deuxième long métrage laissent à penser que le « styliste-cinéaste » a définitivement basculé du côté obscur et que le succès de son premier film lui a fait croire qu’il était un auteur.

Le film en referme en réalité deux en un. D’un côté, l’on suit Susan, propriétaire d’une galerie d’art à Los Angeles, qui se sent délaissée par un riche mari volage. Lorsqu’elle reçoit le manuscrit du nouveau roman de son ex-mari Edward, la lecture de celui-ci lui fait revivre sa relation avec cet homme qu’elle a apparemment mal traité. Parallèlement, on découvre le récit du fameux manuscrit : une sorte de néo-western violent et malsain, dans lequel un homme tente de retrouver les assassins de sa femme et de sa fille, aidé d’un shérif atteint d’un cancer et peu regardant sur le respect de la procédure.

À ces deux lignes narratives menées de front se mêlent les flashbacks de la rencontre entre Susan et Edward et de leur vie de couple, lesquels sont bien entendu déterminant dans le déroulé du drame psychologique lourd de sens qui se joue dans la partie « réalité » du film. Mais le gros problème est que la scission du film entre réalité et fiction, entre ce drame intimiste et ce polar violent, qui devrait – au moins esthétiquement – être évidente, ne l’est finalement pas du tout, la réalité telle que la conçoit Tom Ford étant tout aussi fantasmée que sa vision de l’Amérique profonde qui transparaît dans la partie « fiction ».

La partie « polar » que propose le film, prise individuellement, pourrait être vue comme une petite série B violente de plus, un « revenge movie » poisseux fait de personnages typés, issus d’un inconscient collectif de l’Americana telle que représentée dans le cinéma de genre, et de détails glauques. Ce serait au mieux un petit film de genre sorti à la sauvette ou un « Direct-to-DVD » avec des acteurs de seconde zone. Le gros problème est qu’il est accolé à un drame à « haut potentiel » – questionnement psychologique, image léchée et acteurs en mode « oscars » – et que la résonance entre ces deux genres, ces deux ambiances diamétralement opposées, est censée opérer un basculement dramaturgique sur le versant « sérieux » du film. En somme, Nocturnal Animals est un film qui ne sait pas sur quel pied danser mais qui espère que l’on retiendra plus ses pas de valses que ses pas de country.

En marge de ses atermoiements et de sa psychologie à deux sous, le film se permet une des introductions les plus obscènes et hypocrites de l’histoire du cinéma : un générique d’ouverture qui met « en pâture » des corps nus de femmes obèses pour mieux dénoncer ce système dans la scène suivante, raillant avec une rare tartufferie les expos d’art moderne et les vernissages mondains. Quand on sait un peu qui est Tom Ford et dans quels milieux il évolue, cette séquence apparaît au mieux inappropriée, au pire malhonnête, au-delà même de son mauvais goût patenté.

Il n’y a pas grand-chose à sauver dans ce fatras prétentieux, mêlant un mauvais mélo, un thriller lambda bourré de clichés et le pire du cinéma « arty » américain dans ce qu’il a de plus kitsch et de plus démonstratif. On peut tout de même pointer la performance de Michael Shannon en shérif inquiétant, qui arrive toujours à proposer une véritable création d’acteur, même au sein d’un nanar déguisé en chef-d’œuvre.