Noces, c’est arrivé près de chez nous…

Noces

de Stephan Streker

Drame

Avec Lina El Arabi, Sébastien Houbani, Babak Karimi

Sorti le 8 mars 2017

Plus connu du grand public comme consultant foot pour la télé, Stephan Streker sort pourtant déjà son troisième long métrage Noces, un film classique sur un sujet choc. Le long-métrage est en effet librement inspiré de l’histoire de Sadia Sheik qui avait secoué la Belgique en 2007.

Zahira a 18 ans et vit en Belgique avec ses parents, son grand frère Amir, et sa petite sœur. D’origine pakistanaise, la famille est bien intégrée et Zahira mène une vie normale entre l’école, les amis et les amours. Mais les choses changent le jour où ses parents lui imposent un mariage traditionnel avec un Pakistanais. Ecartelée entre la tradition, son amour pour sa famille et son aspiration à la liberté, Zahira oscille entre conciliation et rébellion. Arrivera-t-elle à se sortir de cette situation a priori sans issue ? Pourra-t-elle compter sur Amir, son confident de toujours ?

Malgré un sujet aussi choquant et incompréhensible pour la culture occidentale (moderne) que les mariages arrangés, Streker réussit à maintenir un regard impartial tout au long du film. À divers moments, des personnages clés de l’histoire évoquent leurs motivations. Cela a le mérite d’élargir le spectre occidentalo-centré et permet d’entrevoir l’importance culturelle de ce genre d’arrangement.

Au centre de l’histoire, Zahira se débat contre le poids de la tradition et le chantage émotionnel que lui fait subir sa famille. Elle peut compter sur sa meilleure amie Aurore (Alice de Lencquesaing) et le père de celle-ci (Olivier Gourmet), mais quoique très présents et aimants, ils semblent ne pouvoir saisir tout l’enjeu de la situation dans laquelle la jeune femme se trouve. De façon paradoxale, la mère et la sœur de Zahira, qui ont elles aussi connu un mariage arrangé, l’encouragent à se résigner. Le film contient d’ailleurs une discussion lourde de sens entre Zahira et sa grande sœur.

Arrivée très tard dans le projet, la française Lina El Arabi livre une prestation franche et naturelle dans le rôle principal. Déjà remarquée dans le téléfilm Ne m’abandonne pas de Xavier Durringer (2016) où elle jouait le rôle d’une adolescente radicalisée, elle confirme son talent. À ses côtés, tout en retenu, Sébastien Houbani prête ses traits à Amir et livre un jeu subtil et tourmenté. On le voit lui aussi tiraillé entre l’envie de soutenir sa petite sœur et celle d’assurer l’honneur de sa famille. Le reste du casting ne démérite pas et l’on retrouve d’autres visages connus comme celui de Babak Karimi (le juge dans Une séparation (2010) de Asghar Farhadi) ou encore Zacharie Chassieraud (Les Géants (2011) de Bouli Lanners).

Malgré quelques longueurs et une réalisation sans surprise, Noces est un film fort à recommander. Selon les mots de Stéphane Streker, « Zahira vit dans une famille aimante mais dans laquelle apparaissent des enjeux qui sont au-dessus de tout. C’est sans doute aussi cela qui surprend : il peut y avoir des forces supérieures à l’amour… ». Le réalisateur n’hésite d’ailleurs pas à définir son film comme une tragédie grecque et à rapprocher Zahira d’une figure mythique bien connue. Mais il n’a jamais fait bon être une Antigone sous le règne de Créon.