Ni le ciel ni la terre : des soldats s’évaporent

ni le ciel et la terre poster

Ni le ciel ni la terre

de Clément Cogitore

Guerre, Fantastique, Drame

Avec Jérémie Renier, Kévin Azaïs, Swann Arlaud

Sorti le 7 octobre 2015

Afghanistan, 2014. Lors d’une mission de contrôle dans une vallée reculée du Wakhan, le capitaine Antarès Bonassieu et sa section voient leurs nerfs sérieusement mis à l’épreuve quand plusieurs hommes du poste nord se mettent à disparaitre mystérieusement. Malgré la ténacité de Bonassieu et de ses hommes, le contrôle de ce secteur supposé calme dans la région va progressivement leur échapper.

Ni le ciel ni la terre (titre emprunté d’un verset du coran) n’est pas à proprement parler un film de guerre même s’il se déroule sur les hauteurs afghanes et qu’il porte à l’écran des militaires français affectés à un poste de surveillance. Le film ressemble plutôt à un huis-clos obsédant dans lequel les soldats sont davantage dans l’observation que dans l’action. Face à un ennemi qui demeure obstinément invisible, ils vont finir par ne plus réagir à des faits mais à des signes.

Filmé à l’épaule à la manière documentaire, le premier long-métrage de Clément Cogitoire guette les réactions d’un groupe face à l’invraisemblable. Confinés dans une zone sacrée, sur une terre où on n’est jamais trop loin du sacrilège, les soldats vont se confronter à des croyances et à des rites anciens en communiquant avec des locaux convaincus du mysticisme des lieux.

La première partie installe habilement le quotidien d’un bataillon français partagé entre, d’un côté, de longs quarts à surveiller la rocaille et la poussière et, de l’autre, des pseudo-négociations avec des villageois sur le bon emplacement des moutons dans la vallée. Dans une tension anxiogène, on suit de près les décisions du très cartésien capitaine Bonassieu (Jérémie Renier parfait) qui dirige sa troupe avec sang-froid et fermeté. Bardé de caméras thermiques et de viseurs infrarouges, il compte bien trouver une explication logique à toutes ces disparitions inquiétantes. Mais la technologie ne peut rien face aux mystères universels. Et les certitudes du capitaine vont finir par être taillées en pièces au fil d’une vaine enquête mêlant menaces et accusations à l’encontre, d’abord, de ses propres soldats, ensuite des habitants du village.

S’ensuit une rupture avec le réel. Le récit glisse progressivement vers l’irrationnel, vers un fantastique mystérieux. Mais la traversée du miroir se fait difficilement. Contrairement à la première partie dans laquelle Clément Cogitoire consacrait quelques belles séquences au cinéma expérimental (à travers notamment des fusils infrarouges), le cadre et le montage restent par la suite dans un esprit très classique. L’intrigue, elle, s’enlise dans ces contrées éloignées et finit par nous faire perdre tout intérêt pour les disparus, laissant la place à un discours métaphysique, avec quelques envolées délirantes et pompeuses, ainsi qu’à des choix scénaristiques peu cohérents (notamment la négociation avec les Talibans). Quant aux seconds rôles (Kévin Azaïs, Swann Arlaud…), ils ont un peu de mal à s’incarner, à dépeindre leurs ravages intérieurs face à un Jérémie Renier en toute grande forme. Leurs moments de folie et d’hallucination se font plutôt rare (mise à part la belle scène du soldat en transe).

Bien qu’il traite d’un propos ambitieux avec de nombreuses références (le soufisme, la symbolique de la caverne, des recherches documentaires…), le film qui se veut au croisement de différents genres se perd un peu dans cette multiplicité. Il n’en reste pas moins qu’il s’en dégage une troublante et originale réflexion sur la manière dont une communauté se raconte des histoires pour évoquer ceux qui sont passés définitivement dans l’autre monde.

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